Objectif Cinéma :
Cette volonté de repousser pratiquement jusqu’au dernier plan
le thème central de votre film était déjà présente dès le
départ, avant le tournage proprement dit, ou cette idée n’est-elle
intervenue que dans un deuxième temps ?
Andrea Schuler :
En fait, ce résultat tient beaucoup dans le travail de notre
monteuse suisse qui a saisi tout de suite nos envies, que
nous n’arrivions d’ailleurs pas toujours à exprimer. Elle
a compris ce que nous voulions dire de manière intuitive,
le travail qu’elle a réalisé est vraiment remarquable. Souvent
les monteurs de cinéma ne maîtrisent pas les bancs de montage
vidéo, En douze semaines de travail, elle a réalisé treize
versions différentes. Mais bizarrement on arrivait toujours
à quelque chose de relativement proche.
Objectif Cinéma :
Pour autant, vous ne cherchez
jamais à pénétrer leur vie privée. En dehors de cette amitié
en crise, dont les tenants et les aboutissants ne sont explicités
qu’à la fin du film, en dehors de quelques allusions à leur
sexualité ou à leur vie familiale, vous restez toujours à
distance, ne cherchant pas par exemple à interroger les proches.
Pourquoi ce recul ?
Andrea Schuler :
Nous ne voulions pas rentrer trop profondément dans leur vie
privée, pas faire de voyeurisme. Pour le personnage de Karlmann,
nous avons hésité avant d’inclure les passages avec son fils.
Et puis finalement, le fait qu’il l’ait abandonné nous a semblé
essentiel pour comprendre le personnage. Mais pour eux c’était
un plaisir de parler de leur vie, de montrer leurs tatouages.
Par exemple, ils nous montraient un jour leur bras en nous
demandant si cette partie était déjà ancrée lors de notre
dernière rencontre.
Objectif Cinéma :
Dans votre documentaire, les séquences d’interview, tradition
du genre, sont particulièrement soignées, avec un soin particulier
apporté à l’arrière-plan ?
Andrea Schuler :
Les arrière-plans n’étaient pas mis en scène. Ils existaient
déjà dans cette disposition-là, mais en jouant sur la lumière
nous les avons rendus plus denses. La lumière était pour
nous quelque chose de très important, elle devait permettre
de mettre en valeur les tatouages. On filmait en lieux clos
pour pouvoir mieux la contrôler.
Objectif Cinéma :
Flammend Herz
est votre premier film. Qu’est-ce qui a été le plus difficile
pour vous dans cette aventure ?
Andrea Schuler :
La production. Personne ne voulait mettre de l’argent sur
ce film. Les producteurs trouvaient le sujet trop particulier,
pas assez fédérateur. Ils pensaient notamment que les jeunes
ne s’y intéresseraient pas, puisque l’histoire est basée
sur des vieux. Mais nous avons réussi à trouver une productrice
intéressée dès le départ, et à obtenir une co-production
avec la ZDF. Résultat : le film s’est tourné dans des
conditions un peu délicates, comme un film d’amateur, avec
une toute petite équipe de cinq, six personnes sur dix-huit
jours, avec l’impossibilité de faire ne serait-ce qu’un
jour de plus. On a aussi beaucoup hésité pour savoir si
l’on tournait en béta ou en dv afin de réduire les coûts,
mais pour des questions esthétiques on a préféré la vidéo.
Et, sur tout le processus de post-production, cette faiblesse
financière s’est confirmée, nous posant de grosses difficultés
pour terminer le film.
2004Flammend
Hertz avec A. Cornelissen, K. Richter, H.
Hoffmann