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Objectif Cinéma
: Pour vous, les affiches
sont donc des supports de mémoire ?
Dominique Blattlin :
Tout à fait. Ce n'est pas de la nostalgie
bête et méchante, mais les affiches correspondent à mon
vécu, et puis aussi à une époque du cinéma. C'était le temps
des salles de quartier avec le système des exclusivités.
Le film sortait à Paris en première et deuxième exclusivité,
puis il arrivait en banlieue, dans les cinémas de quartier,
avec un délai qui allait entre quatre et six mois. Et après
il partait en province. On allait plus au cinéma qu'on allait
voir un film. C'était l'époque des Sept Mercenaires
ou du Pont de la Rivière Kwaï. On y allait soit le
jeudi, qui était ce qu'est aujourd'hui le mercredi pour
les enfants, soit le dimanche en famille. Il était prudent
de réserver ses places, tellement ses séances étaient prisées.
Et pourtant les salles étaient immenses, souvent des anciens
théâtres ou music-halls reconvertis qui comptaient plus
de 1 500 places. Le Voltaire où je me rendais à Garenne
avait cette ambiance qu'on retrouvait dans La Dernière
séance d'Eddy Mitchell. D'ailleurs, il a servi de décor
pour cette émission.
Objectif Cinéma :
Et à cette époque, vous portiez
une attention particulière à la fabrication de ces affiches,
à leurs créateurs ?
Dominique Blattlin :
Non, je n'en avais pas notion à l'époque.
Comme la majorité des gens. L'affiche, c'était un art de
l'éphémère. Chaque semaine, une affiche était arrachée ou
bien disparaissait sous une autre qui venait d'être collé.
En fait, jamais je n'aurais cru qu'un jour je les collectionnerais.
Comme quoi le destin vous prend par la main et vous dirige
vers vos passions. Je me suis intéressé aux affichistes
plus tard, surtout quand j'ai animé pendant sept ans la
rubrique grenier dans une émission de Ciné Cinémas. J'ai
rencontré les affichistes - Clément Urel, Jean Mascii, André
Bertrand... - qui étaient d'ailleurs très étonnés qu'on
s'intéresse à leur travail.
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Objectif Cinéma
: Finalement, qu'est-ce que
vous aimez le plus dans le fait d'entretenir une collection
?
Dominique Blattlin :
Le premier plaisir, c'est de retrouver une affiche qu'on
recherche. Il y a toujours cette petite fierté d'avoir pour
soi quelque chose que les autres n'ont pas. Le deuxième
plaisir, et peut-être le plus gros, c'est de pouvoir les
manipuler. Les affiches de cinéma sont en papier, un papier
devenu très friable avec le temps. Ce sont des choses fragiles,
dont il faut prendre soin sous peine de les voir disparaître.
Les déplier pour les montrer à des amis est un rituel particulièrement
plaisant.