Objectif Cinéma
: Comment gère-t-on
une collection aussi dense que la vôtre ?
Dominique Blattlin :Je me suis servi de mes 6 000 affiches
comme d'une caisse pour alimenter ma thématique : les films
d'aventure et surtout les westerns américains. En effet, j'avais
pas mal d'affiches de films de kung-fu ou de films érotiques
que j'ai revendus en salle des ventes et qui m'ont permis
d'acquérir des affiches qui me manquaient ou de faire entoiler
celles que je possédais déjà. Parce qu'une collection, il
faut la faire vivre. Déjà, à l'inverse des débutants, il faut
savoir tenir à sa thématique et ne pas acheter n'importe quoi.
On ne peut collectionner dans tous les sens, sur tel réalisateur,
sur tel acteur, sur tel affichiste, sur telle compagnie de
distribution...
À un moment, il faut savoir faire un choix. Et pour cela,
il faut savoir résister à des affiches pas chères qui ne correspondent
pas à sa collection. Déjà que l'entretien d'une collection
est un fardeau, il faut essayer que cela ne devienne pas un
calvaire. Chez certains, la collection peut tourner à la pathologie.
J'en ai vu qui se sont endettés pour compléter leur collection
!
Objectif Cinéma
:Quelle est votre acquisition
la plus chère ?
Dominique Blattlin :J'ai déboursé 13 000 francs pour l'un
des deux modèles de l'affiche de La chevauchée fantastique.
Il y a deux ans, à Drouot, j'avais fait une enchère à 16 000
francs pour celle de La Rivière sans retour. Un western
avec Marylin Monroe, ça ne se loupe pas ! Mais j'ai dû céder
face à une avance de 17 000 francs. Cette année, j'en ai retrouvé
une identique et l'ai payée 10 000 francs. Comme quoi être
collectionneur, c'est aussi faire preuve de patience.
Objectif Cinéma :Pourquoi
avez-vous choisi de vous concentrer sur les affiches de films
d'aventure ?
Dominique Blattlin :C'étaient
les affiches que je pouvais voir sur les palissades de mon
quartier. Le mobilier urbain à la Decaux n'existait pas encore.
À l'époque, dans les années 50, les affiches constituaient
la seule promotion du film, elles étaient le seul élément
visible du film avant sa sortie. Il y avait aussi une ou deux
photos à l'entrée de cinéma et un film-annonce quelques semaines
avant la sortie, mais cela obligeait de se rendre au cinéma.
Je me souviens que le passage du colleur d'affiches était
un petit évènement. C'est là où sont imprimées les images
de La Prisonnière du désert ou de Les deux cavaliers.
Nous n'avions pas la télévision, enfin si, il y en avait une
chez un copain, mais il n'y avait qu'une seule chaîne et nous
étions moins fascinés par le petit écran que par le grand.
Et les nouvelles affiches revêtaient donc une certaine magie…
Je ne veux pas faire de psychologie à trois ronds, mais les
passions qu'on développe étant adulte sont toujours l'expression
de manques dont on a souffert étant enfant. En ce qui me concerne,
j'ai été élève dans une institution privée où les profs avaient
la main particulièrement leste et m'inspiraient une forme
aiguë de terreur. Pour fuir cette réalité pas très rose, je
me suis réfugié dans l'imaginaire avec la littérature et le
cinéma. Et cela m'a peut-être évité de mal tourner, dans le
racket ou le trafic de drogue.