Objectif Cinéma : Comment
êtes-vous devenu décorateur de cinéma ?
Jacques Dugied :J’aimais le cinéma, mais je
ne pensais pas y travailler un jour. C’est l’architecture
qui m’intéressait, et je l’ai étudiée sans aller jusqu’au
diplôme. Je travaillais dans un bureau d’architectes, mais
l’après-guerre était une période bien peu artistique dans
ce domaine, avec la construction de logements en masse. Quand
j’ai appris l’existence de l’IDHEC, j’ai passé le concours
d’entrée, en section décor. Nous étions quatre dans ma promotion
(1953), c’était un peu après celles de Jacques Saulnier, François
de Lamothe, Pierre Guffroy...
Objectif Cinéma : Quel
était alors l’enseignement à l’IDHEC ?
Jacques Dugied :Nous avions des cours généraux
communs à toutes les sections, sur l’optique, la caméra, les
formats d’image…M. Maréchal donnait des cours sur les techniques
de laboratoire, Jean Mitry enseignait plutôt les notions de
tournage, l’histoire du cinéma était confiée à George Sadoul
avec des projections à la Cinémathèque située alors avenue
de Messine. Il y avait aussi des rencontres avec des réalisateurs
comme Jean Renoir.
La section décor était dirigée par Hugues Laurent, un ancien
qui avait vu débuter Trauner. On nous enseignait le dessin,
l’histoire de l’art et surtout l’architecture, aussi bien
les styles que les détails de construction comme des charpentes.
Nous apprenions la construction, les trucages avec maquettes,
les perspectives en fonction des objectifs. Il arrivait que
sur des films, l’on réduise tellement les dimensions sur
des plans inclinés, que l’on plaçait au lointain des comédiens
plus petits ou des enfants. A la fin de la fin de seconde
année, on réalisait les décors - qui restaient assez rudimentaires
- des court-métrages des élèves en réalisation, dans le petit
studio de Marcel L’Herbier, dans le XVIIème arr.
Curieusement, l’IDHEC ne nous formait pas à travailler sur
le tas, ni aux postes d’assistant ou d’ensemblier. A de futurs
chefs décorateurs, elle donnait toutes les connaissances techniques
pour travailler en studio. La partie budget, on l’apprenait
ensuite, en faisant de l’assistanat. C’est tellement important
de savoir budgéter, il faut savoir argumenter, bien défendre
son décor devant le producteur, et être sûr de ce qu’on avance.
On nous demande d’établir des budgets dans un temps record,
parfois même dans la minute par téléphone, ce qui bien sur
n’a pas de sens.