Objectif Cinéma : Aujourd’hui,
les places sont rares, mais dans les années cinquante, trouver
un poste d’assistant devait être relativement facile ?
Jacques Dugied :
En tout cas, plus facile qu’aujourd’hui. A cette époque, les
films se faisaient presque tous en studio, le travail était
là, les journées longues et intéressantes. Un chef décorateur
avait en général 2 (premiers) assistants, quelqu’un comme
Trauner en avait plus, car ses films disposaient toujours
d’importants budgets. A cette époque, on progressait dans
la profession suivant un parcours bien défini. Les cartes
professionnelles s’obtenaient après 3 stages, puis un certain
nombre de films en tant qu’assistant. Les décorateurs étaient
donc tous anciens assistants - ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Mais tous les chefs décos en place ne tenaient pas spécialement
à aider les jeunes qui les poussaient.
Il n’y avait pas de longues périodes de chômage. Comme assistants,
nous avions la chance de travailler en moyenne 9 mois par
an. Heureusement, car le régime des intermittents n’existait
pas, il a été mis en place au début des années soixante-dix.
Les films s’enchaînaient, et bien sûr, ils n’étaient pas tous
bons.Parfois, on était pressenti pour un film, on
refusait d’autres propositions, et le premier tardait à démarrer,
ou était annulé. C’est encore fréquent.
Objectif Cinéma : Après
l’IDHEC, quel a été votre parcours ?
Jacques Dugied :
Sortir de l’IDHEC était une référence et j’ai été tout de
suite assistant, grâce à Hugues Laurent… J’aimerais rendre
hommage aux décorateurs qui m’ont fait confiance : Barsacq,
Aguettand, et surtout ceux dont les noms sont oubliés : Giordanni,
et Mondelini avec qui j’ai fait Lesaventures d’Arsène
Lupin de Jacques Becker C’était de grands professionnels,
dans le cadre du cinéma classique de l’époque.
Objectif Cinéma :
Dans les années 1950, construire en studio était-il un réflexe
?
Jacques Dugied :Oui,
par tradition et par savoir-faire. Je me rappelle d’un sketch
réalisé par René Clair pour La Française et l’amour,
entièrement situé dans un compartiment de train. On était
bien sûr en studio, avec en projection le paysage qui défilait.
Le décor était entièrement démontable pour permettre de tourner
dans plusieurs axes. Chaque changement demandait du temps,
et il n’y avait que six jours de tournage. Cela n’a pas le
moins du monde inquiété René Clair. Il a tourné 3 jours d’un
côté et l’on a simplement inversé le décor pour les trois
jours suivants. Il était suffisamment préparé pour ne pas
tourner dans la continuité, et sans oublier le moindre plan.
Une belle leçon de technique.
Parfois, le studio était injustifié. Pour un sketch du même
film tourné par Delannoy, on avait reconstitué la terrasse
du Palais du Luxembourg, avec une partie du jardin, les balustrades,
et une maquette construite du Luxembourg. Il y avait de quoi
décourager certains producteurs.