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Adieu l'ami (c) D.R.
Objectif Cinéma : Comment avez-vous réalisé votre premier film en tant que chef décorateur ?

Jacques Dugied : Jean Herman, qui écrit sous le nom de Jean Vautrin, était un camarade de promotion. Quand il a réalisé son premier film, il m’a dit « Je compte sur toi ». C’était Le dimanche de la vie, et plus tard nous avons fait Adieu l’ami.


Objectif Cinéma : Votre formation d’architecte se ressentait-elle dans vos décors ? Par rapport à d’autres décorateurs qui venaient de la peinture ?

Jacques Dugied :
L’étude sur plans, les volumes, la construction étaient déterminants pour moi. Et pour tout le cinéma français de l’époque puisque quand j’ai commencé les films étaient tous en noir et blanc, sauf quelques exceptions. La couleur restait très chère dans les années cinquante, je l’ai expérimentée pour la première fois avec Arsène Lupin en 1956. Adapter les couleurs du décor à la pellicule était assez délicat, on contrôlait beaucoup moins bien ses réactions, il n’y avait pas les mêmes éclairages qu’aujourd’hui. On pouvait avoir de mauvaises surprises à la projection, surtout quand l’étalonnage cherchait d’abord à mettre en valeur la comédienne. Là, il y avait trahison.

Par la suite, j’ai fait deux films tournés en noir et blanc, mais pour des raisons esthétiques : Trois chambres à Manhattan de Marcel Carné, et dans les années 1980, Je hais les acteurs de Gérard Krawczyk. C’était en clin d’œil à l’époque du film, le Hollywood des années quarante, avec des bureaux de producteurs, des plateaux de cinéma.


  Trois Chambres à Manhattan (c) D.R.
Objectif Cinéma : Pour revenir aux films en noir et blanc, quels étaient les moyens pour anticiper le rendu sur la pellicule ?

Jacques Dugied : Au début du siècle, les premières pellicules noir et blanc n’étaient pas assez sensibles aux variations de couleurs, les feuilles décor et les accessoires étaient peints dans des tons neutres. Par la suite, on a peint les décors de façon réaliste. On savait à peu près quel ton de gris donnait telle ou telle couleur, que le rouge donnait souvent une teinte sombre, le bleu une teinte plus claire. On utilisait un nuancier, et les opérateurs avaient un filtre qui leur permettait de voir le rendu en gris.


Objectif Cinéma : Les ouvriers étaient-ils plus qualifiés ? Ou travaillaient-ils de manière plus artisanale ?

Jacques Dugied :
Disons qu’il y avait un savoir-faire plus artistique, surtout chez les peintres décorateurs. Il faut se rappeler qu’au départ, les décorateurs étaient des peintres qui venaient du théâtre où ils faisaient des toiles peintes. Au cinéma, ils devaient peindre de grandes découvertes sur des cyclos.

Il fallait être rapide, avoir une bonne technique et surtout imaginer le rendu sur pellicule. Les agrandissements photos ne sont apparus que vers les années 65. C’était d’immenses tirages en noir et blanc que l’on patinait et retouchait en couleurs.