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Max Douy (c) D.R.
Objectif Cinéma : Y avait-il un équivalent du storyboard ?

Jacques Dugied : Cela dépendait de la méthode de travail du metteur en scène. Max Douy avait 2 ou 3 assistants qui passaient la préparation à dessiner des séquences, à la table à dessin. Ainsi, quand Claude Autant-Lara arrivait sur le plateau, tous ses cadrages étaient prêts sur papier. Une sorte de storyboard. Après, ça s’est généralisé en publicité, quand les agences demandaient une image précise avant le tournage.

Avant le dessin sur ordinateur, il fallait une bonne journée pour faire une perspective en fonction de l’objectif de la caméra. On faisait des maquettes peintes qui donnaient l’atmosphère, l’ambiance. L’ordinateur n’a pas le même rendu visuel, mais c’est une avancée qui permet un gain de temps.


Objectif Cinéma : En quoi l’apparition de la Nouvelle vague a-t-elle modifié le travail des décorateurs ? 

Jacques Dugied :
Les années 60 ont demandé au décor un côté plus quotidien, plus réel. En extérieurs, on gagnait une certaine commodité de tournage, grâce à de nouvelles caméras moins encombrantes. Il est vrai qu’au début, la Nouvelle vague nous a donné des difficultés au niveau budget, par exemple en économisant la location d’un plateau. Presque tous les producteurs voulaient tourner en décors naturels. Personnellement, je n’en ai pas vraiment souffert car on m’a proposé de travailler aussi pour la télé, sur des séries historiques où les budgets étaient pratiquement les mêmes que sur un film moyen.

  Ascenseur pour l'échafaud (c) D.R.
Plus tard, un autre coup dur pour les équipes déco a été les tournages à l’étranger. Dans les années 70/80, on arrivait encore à persuader les producteurs de construire en studio, mais depuis 15 ans, ils se tournent vers les pays de l’Est. En 1996, j’ai fait une fiction en Pologne, Marion du Fouet.…avec un décor de rues, de places situées en Bretagne au XVIIIème siècle. Je souhaitais le faire ici, mais la production a calculé que cela revenait deux fois plus cher. Cela entraîne une dégradation des métiers du cinéma français, et c’est regrettable.
Pour revenir à la Nouvelle vague, on prend l’habitude d’opposer le cinéma classique au cinéma d’aujourd’hui. Les outils et les moyens sont bien sûr différents. Mais, est-ce que cela fait une différence pour le public ? Dans ce qu’il voit, il n’y a pas de brusque évolution, ni de remise en question comme ce fut le cas en peinture avec le passage à l’abstraction.

Prenez les exemples d’Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle et Le trou de Jacques Becker à la fin des années cinquante. Ces films étaient très novateurs, ils ont pourtant été tournés en studio - même s’il y a beaucoup de vues de Paris dans le cas du Louis Malle, sur lequel j’étais assistant.


Objectif Cinéma : Vous semblez, et c’est normal au vu de votre formation, pencher en faveur du studio ?

Jacques Dugied :
Ne croyez pas cela. Il est évident qu’on peut tourner un très bon film en décors naturels et un très mauvais en studio, il n’y a pas de recette. Je défends le décor construit, que ce soit en studio ou en extérieurs, quand il permet d’apporter quelque chose qui ne peut être obtenu autrement. S’il y a un vrai dialogue avec le réalisateur, on trouve toujours la solution la mieux adaptée.