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Sauvage Innocence (c) D.R.
Objectif Cinéma : Y a-t-il un aspect de votre travail qui vous intéresse particu-lièrement ?

Jacques Dugied :
Les films historiques m’intéressent beaucoup pour la recherche, la documentation. La phase que je préfère est celle de la préparation avec le metteur en scène. Là, la contribution du décorateur peut-être déterminante. Le metteur en scène ne sait pas toujours visualiser son scénario, il a besoin de solutions. Il ne s’agit pas seulement de style, mais souvent de solutions techniques, pour rendre possible le tournage dans un lieu donné et pour un budget donné. C’est un aspect du travail d’un décorateur dont on ne soupçonne pas l’importance.

Par exemple, pour La maison assassinée, George Lautner avait besoin d’une maison isolée en Provence, et qui est progressivement démolie au cours de l’histoire. On ne pouvait évidemment pas utiliser des ruines existantes, et j’ai proposé, après repérages, un lieu avec un projet de décor construit et démontable Il fallait penser facilité d’accès, rapidité de démontage… Ou encore, le décor de Cuisine et dépendances - un appartement autour d’une cour - qui était monté sur rails et se déplaçait pour donner plus de recul à la caméra.

Il faut savoir aussi improviser, être astucieux. Sur Adieu l’ami, on avait construit de longs couloirs de bureaux s’enchaînant sur deux plateaux, dans une grande perspective pour que les comédiens jouent en profondeur. A une date donnée, il nous a fallu libérer un des plateaux. On a remplacé un des décors par sa photographie, faite spécialement et placée en découverte, et on a continué à tourner.

L’intérêt de ce métier est la confrontation avec des personnalités aussi diverses que Godard, Jean Yanne ou Yves Robert. On rencontre toutes sortes de réalisateurs, on accepte des films par fidélité envers eux ou une production, on est amené à travailler pour des gens très doués ou très particuliers, et pour d’autres qui n’ont aucun intérêt pour le décor.


  Tout va bien (c) D.R.
Objectif Cinéma : Pour Tout va bien de Jean-Luc Godard, vous avez construit un décor d’immeuble vu « en coupe »...

Jacques Dugied : C’était son idée de filmer le décor de l’extérieur. La caméra devait balayer un immeuble de bureaux du RDC à l’étage, le mur de façade était enlevé. On voyait les gens monter l’escalier, passer d’une pièce à l’autre. La caméra restait au-dehors, ce qui révélait le décor construit.

J’avais implanté le décor perpendiculairement à la plus grande longueur du plateau, pour bénéficier d’un recul suffisant et faire une grande découverte, en partie photo, en partie construite. Au RDC, pour ne pas révéler le sol du plateau, toutes les fenêtres étaient occultées par des stores. A l’étage, la perspective devait fonctionner de toutes les fenêtres, avec le même point de fuite.

Godard était très précis, très professionnel, et venait régulièrement à Epinay suivre la construction. Il n’était certes pas familier des découvertes en perspective, des points de fuite, mais ce qu’il a vu aux rushes a dissipé ses doutes.