Objectif Cinéma : Que
peut le cinéma d’Alan Clarke pour notre époque ?
Andrea Grunert :Ses films datent des années 70 et 80,
mais sont toujours actuels, car ils abordent des questions
sociales et culturelles très spécifiques tout en dépassant
le contexte britannique. Ils présentent une critique sociale
sous un angle plus général qui tient compte des phénomènes
universels. Ils parlent de l'Angleterre ou de l'Irlande du
Nord, mais aussi de l'être humain dans des situations extrêmes
et dans un quotidien marqué d'indifférence, d'ennui, de désespoir.
C'est souvent un univers triste, peint en noir. Mais sa caméra
a su capter l'incroyable énergie des déshérités de la société
industrielle ou post-industrielle de nos jours.
Objectif
Cinéma :Le
cinéaste Gus van Sant s’est beaucoup réclamé d’Alan Clarke
pour son film Elephant, qui a obtenu la palme d’or
à Cannes en 2003. Que pensez-vous de cette filiation, et
celle-ci vous semble t-elle réellement effective ?
Andrea
Grunert :La référence
est indéniable : la répétition, les clôtures visuelles,
les espaces psychiques limités, les personnages qui marchent
sans véritable but… Dans Gerry déjà, Van Sant a montré
des corps en marche. Le sujet du film de Van Sant témoigne
d'un autre phénomène du monde contemporain, d'une autre
forme de violence que le film de Clarke, et déplace
et actualise son discours en quelque sorte.Cependant, et c'est une opinion très
personnelle, le film de Van Sant se perd dans son propre
système de répétition. Il me semble être une forme vide.
Elephant de Clarke ne manque pas d'humour noir. Très
noir, très grinçant, certes. Il met aussi en doute la perception
du spectateur britannique de la situation en Ulster. Il
y a plusieurs couches de signification que l'on peut dégager
et qui me semblent manquer au film de Van Sant. Au lieu
d'imiter Clarke, on devrait peut-être accorder plus de place
(et d'argent) à un cinéma qui traite du social ; qui n'hésite
pas à présenter une critique sociale bien qu'elle soit peu
confortable.
Alan Clarke
est né à Birkenhead (Cheshire) en 1935. Emigré
au Canada, il travaille d’abord dans les
mines d’or avant de s’inscrire à la Radio
and Television Arts de Toronto où il suit
une formation de 1958 à 1961. De retour en Angleterre,
il travaille pour la télévision et intègre la
BBC en 1969. Hormis trois longs-métrages
de cinéma, son œuvre est essentiellement liée
à la télévision et balaie le spectre des violences
masculines : la prison de Borstal, les skinhead,
les stades de football…une violence infuse, quasi
atavique, qu’Alan Clarke ne tente pas d’inscrire
dans une quelconque causalité sociologique. Après
deux longs-métrages, un film musical (Billy
the Kid and the Green Baize Vampire -
1985) et une comédie (Rita, Sue and Bob Too
- 1986), Clarke réalise à nouveau pour la télévision
en expérimentant de nouvelles formes stylistiques,
plus minimalistes. Elephant réalisé
en 1989, un an avant sa mort, en est le point
d’orgue.
1967George's room 1974Penda’s
Fenn (16 mm, couleurs, 105 min) 1975Diane
(16mm, couleurs, 75 min) 1977Scum
(version TV, 16 mm, couleurs, 67 min) 1979Scum
(35 mm, couleurs, 96 min) 1981Beloved
Enemy (16 mm, couleurs, 75 min) 1982Made in
Britain(16 mm, couleurs, 78 min) 1985Contact
(16 mm, couleurs, 64 min) 1985Billy the
Kid & the Green Baize Vampire (35
mm, couleurs, 90 min) 1986Rita, Sue
and Bob Too (35 mm, couleurs, 95 min) 1987Christine
(16 mm, couleurs, 50 min) 1987Road
(16 mm, couleurs, 62 min) 1988The Firm
(16 mm, couleurs, 67 min) 1989Elephant
(16 mm, couleurs, 37 min)