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Gillo Pontecorvo (c) D.R. GILLO PONTECORVO
Réalisateur
Entretien réalisé
le 14 mai 2004 à Cannes
Par Nadia MEFLAH et Mathilde MARX

Tout nos remerciements
à l’équipe de Carlotta Films,
et tout particulièrement à Cécile Giraud




En présentant La Bataille d’Alger, le festival de Cannes terminait l’Année de l’Algérie (après avoir présenté l’an dernier Chroniques des années de braise de Lakhdar Hamina) paradoxalement par son origine : cela fera cinquante ans cet automne, le 1er novembre 1954, que se déclencha la lutte armée du FLN (Front de Libération Nationale) contre la France colonialiste. Cela fait aussi un peu plus de quarante années que Pontecorvo avait pour la première fois arpenté ce jeune pays, à l’image du jeune Eisenstein (à peine 25ans) qui portait au cinéma cette jeune Russie, prétendument issue du peuple, de sa chair et de son sang. Et toujours en automne, temps du vent nouveau…

Emergeant de 8 années (de trop) de guerre qui ne voulait pas dire son nom, l’Algérie, en 1962 devenue libre et indépendante, (1 million, 1,5 millions ? de morts sans compter les disparus…) comptait 424 salles de cinéma pour 15 millions d’habitants, à savoir trois fois plus de salles que le Maroc et la Tunisie réunis. Issu du maquis, le tout jeune cinéma algérien, formé au centre audiovisuel de René Vautier compagnon de route depuis les années 50, allait continuer sa bataille sur les écrans durant une décennie, entre mythologie et glorification nationale. Mais rien sur le début, aucune fiction qui racontait l’émergence de la rébellion civile contre l’oppression colonialiste, rien sur la fabrique d’un révolutionnaire prêt à mourir pour une cause. Il y eut Jacques Charby et son formidable film Une si jeune paix en 1964, L’Aube des damnés de Ahmed Rachedi et Vautier au scénario en 1965. Et la Bataille d’Alger un an plus tard. C’est dire si le film de Pontecorvo est marqué politiquement, ne serait-ce que par sa production, si tôt après l’indépendance, mais aussi par ce qu’elle donnait à voir, en levant les yeux, une fresque de l’intime et du collectif. Tout algérienne et tout algérien pouvait revivre, même s’il n’était pas agent du FLN durant la guerre, quasi à fleur de nerf, le combat du colonisé pour sa liberté.

Manifeste lyrique non exempt d’ambiguïté, il nous a paru nécessaire de dialoguer avec le cinéaste. Et surprise, l’homme Gillo est aussi paterne que son film est embrasé et flamboyant, nonchalant comme peuvent l’être les latins et comme détaché du temps de l’histoire. Non sans vigilance.



« NE DISONS PAS QUE C’EST UN FILM POLITIQUE, C’EST UN FILM »


Gillo Pontecorvo : Je ne connais pas le cinéma algérien

  La Bataille d'Alger (c) D.R.

Nadia Meflah : Vous n’avez réellement aucune connaissance sur le cinéma algérien ?

Gillo Pontecorvo : Oui c’est cela, je peux simplement vous dire comment on vit là-bas.


Nadia Meflah : Considérez-vous votre film La Bataille d’Alger comme un film algérien ?

Gillo Pontecorvo : Absolument pas. C’est un film italo… (le cinéaste marque une hésitation avant de conclure) italo-algérien, comme d’ailleurs il est indiqué partout. La société de production est surtout italienne à plus de 55%.