Cinéastes.net :
L'envie de travailler avec de l'encre
sur la pellicule, c'était l'envie de retrouver des mouvements
graphiques sur la pellicule, obtenus avant par d'autres procédés ?
Marcelle Thirache : Oui.
Cinéastes.net : Et au niveau
du choix de l'encre : noire ou couleur, ça se fait comment
?
Marcelle Thirache : En fait
le cinéma c'est quand même principalement de la lumière qui
va traverser une surface transparente. Donc si on bouche,
la lumière ne va passer qu'à certains endroits, c'est la raison
pour laquelle j'ai utilisé l'encre. Pour la couleur, j'ai
utilisé des produits de retouche-photos tout bêtes, mais si
j'utilise des produits de retouche-photos, ce n’est pas assez
bouché et, comment dire… les traits ne sont pas assez fins,
alors que l'encre de Chine permet que ce soit complètement
bouché et les traits deviennent alors très fins. En fait,
il n'y a que comme ça que j'ai réussi à recréer ce que je
travaillais en sculptant la lumière avec une caméra, et à
re-sculpter la pellicule et lumière à travers ma table lumineuse.
Cinéastes.net : Parfois
l'encre de Chine déposée sur de la pellicule provoque des
craquelures.
Marcelle Thirache : C'est
ce que j'aime dans l'encre de Chine : au fur et à mesure qu’elle
sèche, elle crée des craquelures ; la lumière passe au
travers d’entre elles et crée à nouveau toutes une myriade
de lignes que j'utilise beaucoup, qui sont justement en harmonie
avec le fond. Si je pense à un film comme Notes d'hiver,
on croit voir les feuilles des arbres, mais en fait il n'y
a pas de feuilles aux arbres puisque c'est l'hiver. Mais on
voit des feuilles d'arbre à cause de ces ramures engendrées
par l'encre de Chine.
Cinéastes.net : L'aspect purement
visuel de vos films, le silence qui est volontaire, pourquoi
est-il choisi ?
Marcelle Thirache : Quand
on regarde une toile ou une sculpture, on ne se demande pas
s'il y a du son ou pas. C'est une tradition du cinéma industriel
d'avoir mis du son, parce qu'à l'origine du cinéma, il n'y
en avait pas. On a vu de très beaux films sans son, qui étaient
d'ailleurs beaucoup plus expressifs pour certains. Comme je
ne travaille que sur l'image et que je ne raconte absolument
aucune histoire, je ne vois pas du tout l'intérêt de mettre
du son. Et j’ai envie de dire qu'ils sont sonores visuellement
: quand je crée un film comme Chorégraphies ou mes
Abstractions, c'est déjà une musique visuelle… Donc rajouter
une musique sur une musique, ça fait beaucoup de bruit tout
ça. Mais j'ai déjà fait un film avec du son, ça m'a plu, j'en
referai… J'ai des idées...
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