Entretien
réalisé
le 31 Août 2004 à Paris
Par Cécile GIRAUD
LE BORD INTIME DES FILMS
Rodolphe Cobetto-Caravanes crée. Il propose des images dans
ses films, du texte dans son journal « petit monde Caravanes »
à qui veut les voir. Car découvrir l’art de Rodolphe Cobetto-Caravanes
est une démarche volontaire mais non sans risque. Tomber sur
un de ses films relève rarement du hasard. Et lorsqu’il s’agit
de hasard, alors la couleur vous prend pour ne plus vous lâcher :
vous êtes devenus accro au cinéma underground, tel qu’il aime
le définir, un cinéma éminemment personnel, un travail souvent
de longue haleine, où le hasard fait parfois bien les choses,
mais sur lequel on ne doit pas compter si on veut dire quelque
chose.
L’on comprend alors que le cinéma expérimental est un cinéma
engagé, non dans le sens politique du terme bien qu’il puisse
l’être, mais un cinéma où la part de soi est prépondérante
sans forcément tomber dans le narcissisme, accepter de se
livrer à demi-mot, prendre les images des autres pour les
faire siennes, ou traiter ses propres images comme si elles
étaient celles d’un autre. L’expérimental flotte toujours
entre ces deux eaux, ces deux distances, tentant de trouver
la bonne, celle où l’on se noie, parce qu’on ne s’approche
jamais trop de l’image.
En la repeignant, en la rayant, Rodolphe Cobetto-Caravanes
donne à l’image une profondeur dans laquelle on aimerait plonger,
alors que parfois elle semble inaccessible, recouverte d’une
gangue sous laquelle elle se cache. Comment accoucher d’une
œuvre réellement personnelle, réellement originale, ne pas
spolier le spectateur, mais au contraire lui donner quelque
chose grâce à un cinéma différent? Près de quinze ans
après avoir tourné son premier film, Rodolphe Cobetto-Caravanes
trouve peu à peu une réponse, que l’on peut découvrir au gré
des projections de ses films, et surtout de Twentuno,
au destin incroyable, qui parvient à ouvrir une brèche dans
le cinéma lorsqu’il est projeté aux côtés de films « classiques ».
Objectif Cinéma :
Comment as-tu découvert le cinéma expérimental ?
Rodolphe Cobetto-Caravanes :J’habitais
à Reims et après le lycée, il n’y avait pas grand-chose pour
moi là-bas, à part les Beaux Arts, mais ça me semblait trop
simple, trop facile. Je voulais faire de la BD, mais je ne
voulais pas aller à Angoulême. On m’a parlé de l’université
Paris1 St-Charles à Paris, et ça a été l’évidence pour moi.
En deuxième année, on pouvait prendre l’option cinéma expérimental.
Je ne savais pas trop ce que c’était, mais les deux mots accolés
– cinéma et expérimental - me plaisaient bien, et j’ai débarqué
au cours de Stéphane Marti, qui était à la fois théoriques
et pratiques. J’ai appris Anger et les fondateurs du cinéma
expérimental, et aussi le B.A.BA du cinéma, comment tenir
une caméra, etc… On voyait beaucoup de films et Stéphane Marti
nous indiquait beaucoup d’endroits où voir du cinéma expérimental.
On avait des devoirs pratiques à faire avec des règles à respecter.
Ça ne rendait pas grand-chose pour la majorité des gens, mais
j’ai beaucoup aimé le côté liberté, surtout le super-8, c’est
léger, ce n’est pas très cher, et rien ne t’empêche de faire
ce que tu veux avec la pellicule. J’ai essayé tout de suite
de la frotter par terre, de la rayer, etc...