Ruth Mader :
Le travail avec Aleksandra Justa (Ewa) a été très passionnant.
C’est une actrice polonaise qui vient du théâtre et a joué
dans un ou deux films dont le dernier Zanussi. Nous ne parlions
pas la même langue et pourtant nous nous sommes très bien
comprises si bien que très vite nous n’avions plus recours
à l’interprète. Nous nous comprenions par des gestes et des
regards, sans mots.
Si l’on excepte Ewa, Marold, l’ami de ce dernier et le bourreau,
les autres personnages sont incarnés par des « non-professionnels »
: la femme médecin de l’hôpital est vraiment médecin, la mère
de Marold est une femme que j’ai rencontré par hasard dans
le métro, d’autres gens jouent leur propre rôle. Je pense
que les acteurs amateurs peuvent être très talentueux, très
expressifs et ils donnent à l’ensemble l’authenticité que
je cherchais. Je tenais à ce que les gens qui incarnent des
ouvriers connaissent réellement leur travail et ne le « jouent »
pas. Je savais que je ne voulais pas d’acteurs connus, leur
présence me paraissait incompatible avec le film. C’était
donc l’idée : pas de stars mais des amateurs jouant leur
propre rôle – ou presque.
Cela m’est apparu nécessaire pour un film sur le travail.
Nous avons même travaillé avec de vrais clandestins dans la
seconde séquence de fuite d’Ewa, les personnes qui attendent
du travail jouent leur propre rôle, ils vivent près de la
frontière, passent la nuit dans les gares… Et le policier
est un vrai policier…
Objectif Cinéma :
Il a accepté de jouer ce rôle ?
Ruth Mader :
Oui, il voulait le faire. Et il nous a donné toutes sortes
d’indices concrets sur la manière dont se passent réellement
ces contrôles… Lorsqu’ils arrêtent quelqu’un, ils prennent
ses affaires, etc.
Et les travailleurs clandestins paraissaient contents de
pouvoir jouer ce rôle, de le mettre à distance peut
être… Ils étaient fiers aussi d’être dans le film. Ils nous
ont montré comment ils marchandaient les prix, leur salaire
horaire…
Objectif Cinéma :
Vous avez d’autres projets ?
Ruth Mader :
Mon prochain film sera une fiction. Il adoptera les codes
d’un thriller à connotation fantastique, et l’action se
déroulera dans un lycée catholique de jeunes filles où le
thème de la foi sera beaucoup questionné…