Objectif Cinéma :
Pourtant, pour moi vous êtes vraiment l’acteur, en tout
cas la figure de la mélancolie.
Tony Leung :
Beaucoup de gens le pensent. Mais je ne le fais pas intentionnellement.
Objectif Cinéma :
Même dans les films d’action de John Woo, très spectaculaires,
vous travaillez avec une grande économie de moyens. Par
exemple, pour ce qui concerne le visage, c’est comme si
vous en enleviez tous les sentiments pour en exprimer juste
un ou deux. Est-ce que ça correspond à votre manière de
travailler ?
Tony Leung :
J’essaie d’utiliser le moins de technique possible. Je le
fais intentionnellement, et en particulier pour Wong Kar-waï.
On peut voir que je n’utilise aucune technique dans ses
films. J’essaie juste de ressentir les choses.
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Objectif Cinéma :
J’ai quelques images en tête,
comme dans 2046, votre manière de ne pas regarder
la carte que vous montre Gong Li, ou quand, à la fin de
Chungking Express, vous découvrez Faye Wang dans
le restaurant. Là, vous exprimez une grande intensité par
la surprise, la suspension. On retrouve de film en film
cette manière de travailler sur la suspension, qui rend
le sentiment si intense. On encore quand vous découvrez
Leslie Cheung blessé, dans Happy Together…
Tony Leung :
Là non plus, je ne le fais pas intentionnellement. Je crois
que Wong Kar-waï capture des moments particuliers.
Objectif Cinéma :
Plus comme personne que comme
acteur, alors ? Est-ce quelque chose qu’il recherche
particulièrement pendant le tournage, ce moment de vérité
de la personne ?
Tony Leung :
Je crois qu’il m’observe beaucoup dans la vie de tous les
jours. Par la suite il peut révéler ou explorer quelque
chose qu’il a pu percevoir.
Objectif Cinéma :
En France, vous êtes associé
à un âge d’or du cinéma asiatique. Je me souviens avoir
découvert presque en même temps les films de John Woo, de
Wong Kar-waï ou de Hou Hsaou Hsien, par exemple. Mais pour
vous, en tant qu’acteur, quelle est la différence concrète
entre tourner pour Wong Kar-waï et John Woo, par exemple ?
Tony Leung :
John Woo est mieux préparé quand il arrive sur le tournage.
Parfois, il est très difficile de faire des compromis avec
lui. Quand il insiste pour que vous fassiez quelque chose,
il faut le faire, et à sa manière. Kar-waï semble plus souple,
il vous donne beaucoup d’espace et de liberté pour créer
votre propre personnage. C’est la plus grande différence
dans leur manière de mettre en scène.