
Objectif Cinéma :
Quel type d’indications leur
donnez-vous pendant le tournage ?
Wong Kar-wai :
« Marche. Tu n’es pas très heureuse, marche jusqu’au
bout de la rue ». Dans 2046, par exemple, c’est
une prise très facile à réaliser, vous installez la caméra
et vous demandez à Faye Wang de marcher. C’est ce qu’elle
fait, et c’est alors qu’elle crée toutes ces choses. Je pense
que c’est mieux de faire ce genre de prises, plutôt que de
faire simplement un gros plan de visage avec le même bla
bla bla.
Objectif Cinéma :
L’utilisation du ralenti est
un des liens entre In the Mood for Love et 2046,
qui les lie d’ailleurs au reste de votre œuvre. Qu’est-ce
qui vous décide à utiliser le ralenti ? Certains gestes,
certains sentiments nécessitent-ils le ralenti ?
Wong Kar-wai :
Il y a beaucoup de ralentis dans le film ?
Objectif Cinéma :
Oui, je pense par exemple à
Gong Li marchant dans les rues de Singapour, à la rencontre
de Tony Leung et de Zhang Ziyi au restaurant…
Wong Kar-wai :
Une des choses abordées par le film, c’est que l’amour est
une question de temps. Nous sommes dans un monde qui bouge
tellement vite maintenant. Parfois on ne fait que percevoir
les choses qui sont autour de nous, et qu’on ne réalise
véritablement que plus tard. Dans les films, le ralenti
capture ce genre de moments.

Objectif Cinéma : Y
a-t-il pour vous une relation entre ce travail sur le temps,
qui passe entre autres par cet emploi des vitesses, et la
mélancolie ?
Wong Kar-wai : Faire
un film permet de jouer avec le temps. Dans la vie, on ne
peut pas le contrôler. Mais avec le film, vous pouvez dilater
une seconde en dix secondes, ou réduire dix ans à deux minutes.
C’est un des privilèges du réalisateur.
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