EST-CE AINSI QUE LES HOMMES VIVENT ?
" Ceux qui sont contre le fascisme
sans être contre le capitalisme, ceux qui gémissent
sur la barbarie qui vient de la barbarie, ressemblent à
des gens qui veulent leur part de veau, mais le veau ne doit
pas être abattu. Ils veulent manger le veau, mais pas
voir le sang. "
Bertolt Brecht
|
|
 |
|
|
Quelque chose se passe en
cinéma depuis peu. Borderline et loin de toutes les
Amélie P. estampillées cinéma
français. Un frémissement à la périphérie
de tous les cocoricos poujadistes comme aime si bien le faire
un certain cinéma adorateur des parts de marchés.
Il n’y a qu’à signaler la norme indigeste du fameux
tableau des entrées, le Dow Jones ou Cac 40, à
vous de choisir selon votre portefeuille, égrené
chaque semaine dans quasiment toute la presse française,
pour rendre compte d’une incroyable soumission et abdication
aux portefeuilles des grands groupes industriels. Des films
arides de publicité (sans matraquages médiatiques
nauséabonds) mais stupéfiants de vie s’élaborent
sous nos yeux avec, chevillée au corps filmique, cette
inaltérable question : comment faire ? Avec
quels moyens ? Quelques titres et quelques noms que je
vous propose comme autant d’empreintes de cette nouvelle
donne : Cité de la Plaine de Kramer, Loin
de Téchiné, Ce vieux rêve qui bouge
de Guiraudie, De l’histoire ancienne d’Orso Miret,
Dans la chambre de Vanda de Pedro Costa, Baise-moi
de V. Despentes, Samia de Faucon, L’Afrance
d’Alain Gomis, Inch’Allah Dimanche de Benuigui, Fatma
de Khaled Ghorbal, La Ville est tranquille de Guédiguian,
Les savates du bon dieu de Jean-Claude Brisseau, L’emploi
du temps de Laurent Cantet, Rien à faire
de Marion Vernoux, et je pourrais encore vous en citer d’autres.
De même, des festivals s’organisent dans un souci du
lien à l’autre où se cherchent et parfois se
trouvent des films d’actions (de la pensée, de l’agir.)
Nul besoin d’horizons exotiques (Cannes et ses avatars), il
suffit de passer le périph et savoir dénicher
en Seine Saint Denis quelques fers de lances de ces mouvements
contestataires en cinéma : Festivals Frontières
en novembre 2001 où l’on a pu découvrir Samir
Abdallah et le collectif L’Yeux Ouverts (Dalida Ennadre et
son film plusieurs fois primés El Batalett,
femmes de la médina, Yasmine Kassari Quand les hommes
pleurent magistral où l’on songe à Loin
de Téchiné…) Les Rencontres dionysiennes en
Mars (cette 2ème édition fut consacrée
à L’exode avec, en avant première Wesh Wesh
de Rabah Ameur Zaïmeche, en salles ce mois-ci). Mais
aussi le Cinéma du Réel à Paris Beaubourg,
Traces de Vie à Clermont Ferrand, Les Assises du documentaire
de Lussas, à Marseille et des collectifs tels Braquages,
Nova Cinéma de Belgique, Zaléa tv. Mais aussi
des maisons de productions engagées telle Les Films
d’Ici de Serge Lalou et Richard Copans (voir à ce sujet
l’entretien réalisé avec Richard Copans, caméraman,
producteur et ami du défunt Robert Kramer lors de la
sortie du film Cité de la plaine.)
Quels liens avec le livre
Cinéma Pop ? Une intuition que quelque chose peut
se faire en cinéma actuellement, un acte pop et politique
comme il y a eu quarante ans déjà. C’était
Godard, Rouch, Chris Marker, Resnais, Hanoun, Franju, Duras,
Eustache, les Straub, Bernard Cuau, René Vautier en
France, mais aussi ailleurs Miklos Jancso, Glauber Rocha,
Syberberg, Oshima, Pasolini, Bertolucci, Iosseliani, Joris
Ivens, Harun Farocki, Skolimowski, des cinéastes hommes
et femmes pour qui lutte, combat, engagement, survie, classe,
politique, point de vue, propagande, révolution, changer
la vie, utopie se façonnaient en autant de films et
d’actes militants. Certains sont morts, d’autres continuent,
inébranlables et incorruptibles tels Jean-Marie Straub
et Danièle Huillet avec Ouvriers, Paysans (sortie
fin Septembre 2001.) La lecture de cet ouvrage, conçu
à l’occasion de la manifestation Cinéma et Politique
à la B.P.I du Centre Pompidou en mai et juin 2001 dans
le cadre de l’exposition "Les années Pop", a valeur
de témoignage (les auteurs, chacun dans un geste particulier
et militant, furent acteurs de ce mouvement cinématographique
et politique) d’un temps passé où le regard
et l’analyse critique de ceux même qui y participèrent
s’élaborent dans le champ du discours politique.
|