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Jean Rouch (c) D.R.
Car, à lire le texte " futur antérieur " de Jean Narboni (où le titre me fait songer à La Jetée de Marker…), enfin il est possible de nommer d’historicité " sans refoulement actif " " un geste impatient et juvénile de liberté " un temps du cinéma où l’on ne savait pas trop comment dire cette émergence : nouvelle, jeune, vague ; trois mots à la fois fourre-tout et en même temps héritiers de leur grand frère La Nouvelle Vague Française… Mais l’auteur règle aussi ses comptes politiques avec les dits historiens du cinéma, professionnels haineux avec une " aversion pour ces années qui les ont vus surgir et au soulagement d’en être à jamais sorti " et écorche au passage le journaliste critique Jean-Michel Frodon, coupable de moralisme d’un quant à soi assez distant et, in fine, de légèreté douteuse venant d’un spécialiste du cinéma. La colère, stimulante, met les pendules à l’heure et rappelle combien ce cinéma taxé de " brouillon, prétentieux, d’offense au récit, de laisser-aller plastique, d’immaturité politique et de mépris du spectateur " eut à subir d’anathèmes irrationnels, signe d’un aveuglement crasse. Oui, mais voilà que ce courant moins politique qu’existentiel devient à son tour, par la grâce de l’embaumement commémoratif, le lieu de la nostalgie d’un temps jadis honni et/ou méprisé. Le rappel de ces réceptions diverses rend compte des enjeux idéologiques et culturels que ces " jeunes cinémas " interpellaient. Il s’agissait d’expérimenter tout ce que peut le cinéma (son, image, parole, enregistrement direct, intervention sur la pellicule, montage accéléré, plan fixe de huit heures et plus etc.…) Tout devenait politique, le structuralisme et la pensée sartrienne envahissaient les écrans, les radicalités s’affichaient en toute beauté et les querelles faisaient rage. Belle époque où la contestation prenait corps et rue (Mai 68…). Gérard Leblanc raconte une expérience de ce cinéma vécu comme " opérateur critique de la représentation " avec pour enjeu premier de bouleverser la place du spectateur. Il s’agissait vraiment d’une éducation du regard, ce à quoi s’attachait la revue Cinéthique qu’il dirigeait (fondée en 1969, il en a assuré la rédaction jusqu’en 1985) avec cette utopie de vouloir transformer le réel. Le cinéma avait le devoir d’agir sur le spectateur citoyen, non en le divertissant (aliénation mercantile du film comme objet de consommation) mais en lui faisant prendre conscience des conditions de travail mise en œuvre à l’intérieur même de la machine cinéma. Voire d’élaborer une " théorie de la valeur au cinéma, sur la base de la théorie marxiste de la plus-value (…) la valeur d’usage des films ne devait plus être régie par la valeur d’échange évasion. " Quant à Jean-Louis Comolli, il nous interpelle en questionnant la place et la parole des cinéastes de cette époque : qui filme ? au nom de quoi et d’où ? L’énoncé et l’énonciateur sont affaires de point de vue où la pratique, " une expérience, une construction, une lutte, une transformation du sujet et de la cause elle-même par l’action " engageait chacun dans un ici et maintenant. Alors foin du très vieux faux débat sur l’objectivité et la subjectivité (je renvoie le lecteur taraudé par cette vieille antienne au court texte clair et concis de Roland Barthes "Critique et vérité", à la page 17 notamment, aux éditions Points essais) quand il s’agissait avant tout d’énoncer un acte, d’élaborer une parole et de tracer des chemins de découverte. Un film revient lancinant, Moi, un noir de Jean Rouch. Film-jazz chez l’historien du cinéma Gilles Mouëllic (lire à ce sujet l’entretien autour de son ouvrage Jazz et Cinéma paru en 2000) il est " toujours le futur de tous les actes qui l’ont fait. Tout est déjà là, rien n’est encore advenu. Invraisemblable vérité du temps cinématographique. " Ces mots vibrants ; le reste du texte transmet le souffle comollien, et nous parviennent alors même que nous ne pouvons plus voir certains des films décrits. Si ce n’est dans le cadre (encadré…) d’une rétrospective (hommage aux morts…)

Rêvons un peu de ces films disséminés dans les rues, sur les murs fouettant de leurs alarmes glorieuses nos si pathétiques vies publicitaires.




Le livre propose une filmographie sélective commentée avec concision des films, tous programmés dans le cadre de la rétrospective Cinéma et Politique de la B.P.I Centre Pompidou ainsi qu’un choix judicieux de photographies en noir et blanc de certains films cités. Une brève biographie présente chaque auteur dans son travail passé et présent.

Gérard Leblanc est professeur à Paris III Censier Sorbonne Nouvelle et à l’Ecole Louis Lumière, spécialiste émérite et éclairé des genres télévisuels, il a, notamment, édité un splendide ouvrage de et avec Jean Daniel Pollet "L’Entre Vues" aux éditions de L’œil en 1998.

Jean-Louis Comolli et Jean Narboni ont en commun d’avoir été rédacteurs en chef des Cahiers du Cinéma entre 1962 et 1972. J. Narboni est professeur à Paris VIII université de Saint-Denis et à la FEMIS, quant à J.L Comolli , il est surtout connu du grand public pour son travail documentaire sur Marseille (Les deux Marseilles en 1968, Marseille en Mars en 1993, Marseille contre Marseille en 1995, lire à ce sujet la très belle revue en cinéma de Patrice Leboutte L’Image, le monde, dont le deuxième numéro est sorti à l'automne 2001.




Titre : Cinéma et politique : 1956-1970 les années Pop
Auteurs : Jean-Louis Comolli, Gérard Leblanc, Jean Narboni
Type : catalogue d'exposition (broché)
Editeur : Bpi Du Centre Pompidou
Nombre de pages : 132 pages
Format : 16 cm x 22 cm
Illustration : Photos noir et blanc

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