Synopsis : Réalisé
en 1970 et inspiré de l’auteur Matsumoto, le film Dodes'kaden
entremêle huit récits de vies au cœur d’un lieu
unique : un bidonville. On ignore où se situe
cet espace boueux et sale mais on découvre peu à
peu toute la misère et la souffrance de tout un chacun,
en cela guidé par un jeune adolescent farfelu qui donne
son titre au film. L’humour et le burlesque pointent dans
cet étrange monde coloré où les cieux
flamboient de milles couleurs.
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LES COULEURS DU CINEMA
" Par
cruauté du réel, j’entends d’abord, il va sans
dire, la nature intrinsèquement douloureuse et tragique
de la réalité " de Clément
Rosset, Le Principe de cruauté, p.17 ; collection
" Critique " Les éditions de Minuit.
Lorsque
Charlie Chaplin affirme en 1931 - le cinéma est parlant
depuis plus de quatre ans - que " la pantomime est
bien utile là où les langues sont en conflit
pour ignorance réciproque" (1) la politique
des corps, adage de la modernité cinématographique,
prend sens littéralement : le corps est et se
doit d’être une résistance politique engagée
par et pour l’art. Contre tous les aggiornamentos du consensus
communicatif, contre toutes les explications de textes, tueuses
de l’art et du regard. Cette présence au monde, matérialité
charnelle où tout fulgure, le film Dodes’ kaden
de Kurosawa la charrie à son degré ultime.
Ce
que nous irradie le premier film éclaboussant de couleurs
de Kurosawa (contemporain de La Grande Bouffe de Marco
Ferreri et de Johnny got his gun de Dalton Trumbo),
c'est cette impulsion première et émotive que
tout un chacun mesure à l’aune de sa corporéité.
La
pulsation de la machine-cinéma épouse celle,
folle et, in fine, véridique, de l’enfant-tram ;
et le héros sublime de Dodes’ kaden devient
le frère de tous ces corps libertaires pour qui le
cinéma s’est inventé. Non pour raconter des
histoires (ça c’est de la communication) mais pour
s’emparer à bras le corps de ce qui nous meut :
amour et travail. La machine-cinéma c’est l’enfant-tram.
Il a avalé le train qui arrivait en gare de La Ciotat
un certain automne 1895, pour nous le recracher en couleurs
et en sons. A nous de savoir la recevoir en pleine figure,
si possible sans honte. Celle qui nous fait nous agenouiller
devant n’importe quelle gesticulation post-moderniste blafarde
à force de compromission avec le goût du jour.
Akira Kurosawa n’a que faire de ces agitations cyniques, le
combat est ailleurs : comment dire l’humanité
en 1970 en ces temps de révoltes de la jeunesse et
de guerre froide ? Mais surtout ce réel, "unique
et vraie source de tout scandale." (2)
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