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Cette
inversion des rôles traverse tout le film où
c’est le volé qui montre et donne au voleur le peu
d’argent qu’il a, tout en s’excusant de ne pouvoir honorer
celui qui vient la nuit le débusquer. L’oncle ne tient
pas son rôle de gardien de famille, il viole la nièce,
le père des enfants des autres assume le rôle
nourricier maternel jusqu’à porter la coiffe et la
ronde corpulence. Les hommes boivent et les femmes jeunes
s’échinent au labeur. L’ordre est déstabilisé
constamment et le flamboiement de couleurs joue son rôle
de terreur : le spectateur est sommé de regarder
en face toute la violence que l’homme charrie en lui, de bêtise
et de haine, mais aussi de colère et de détresse.
Rien n’est soustrait aux feux des lumières du cinéma
et de la peinture. Le chaos règne au cœur de ce no
man’s land et tous les mouvements sont soumis à cette
loi d’un monde sans évolution où même
les rêves sont bornés. Lorsque le père
raconte au gosse avec ses mains la maison de ses rêves,
il ne peut décrire que le seuil fermé d’une
grille occidentale ouvragée. Le mouvement de ses doigts
dans l’air dessine des formes que le contre-champ représente.
Et lorsqu’il semble réussir une fois l'hallucination
complète d’une maison (où l’on voit un assemblage
pop-art de cubes à la Jean Nouvel) il n’obtient de
son fils que sa parole laconique : " C’est
vrai ".
Mais
de quelle véracité acquiesce l’enfant si ce
n’est celle de la finitude de leur état ? Le mal
du père traverse le corps du petit homme pour résonner
dans ces deux mots. C’est vrai.
La
carnation du film nous met en état d’alerte afin d’ériger
une vigilance du regard sans pitié, au nom de ce réel
pour lequel Kurosawa a inventé cette forme nouvelle
et première. Dodes’ kaden est le plus grand
film réaliste.
BONUS :
Il faut témoigner d’une frustration certaine quant
à l’analyse critique proposée par Philippe Azoury
qui nous avait habitué à plus de verve. Le propos,
d’une durée d’à peine trente minutes, concerne
quatre scènes du film : l’introduction avec l’enfant-tram,
le peintre, le clochard et son enfant, le retour du conducteur
de tramway chez lui. Le journaliste nous invite à considérer
les liens tissés à l’intérieur du film
avec le cinéma de Kurosawa et les influences multiples
issues du burlesque (Chaplin en l’occurrence) et de la picturalité.
Un peu courte au regard du film, l’analyse propose quelques
pistes de réflexions se référant notamment
à Gilles Deleuze et Serge Daney.
On
peut regarder la bande-annonce originale du film de très
bonne facture présentant le cinéaste sur le
tournage, en action. On y trouve aussi la bande-annonce des
6 titres édités de la collection Kurosawa, ainsi
que deux films issus de la collection Arte DVD : Le
chant de la fidèle Chunhyang du cinéaste
coréen Im Kwon-taek et Chanson du deuxième
étage de Roy Anderson
QUALITE :
Le rendu des couleurs est impressionnant et le mono japonais
d’origine est de très bonne qualité. Il a fallu
une semaine de travail aux laboratoires Eclair
d’Epinay-sur-seine pour chaque film du catalogue Kurosawa.
Il s’agit de transférer la vidéo et de pratiquer
un étalonnage précis – la lumière, la
couleur et les raccords sont vérifiés et réglés.
Il faut aussi nettoyer les poussières blanches qui
peuvent se déposer sur le négatif, le film passe
dans une machine antiscratch (le filtre repère l’ennemi
invisible à l’œil nu). Il faut compter environ une
heure de travail pour dix minutes de films. Concernant le
son, c’est l’équipe de Lobster Films
qui s’est chargée de la rénovation, avec une
semaine de nettoyage pour chacun des films.
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1) " Pantomime
and Comedy ", The New York Times,
21 Janvier 1931, traduction de Jeannine Ciment,
publié dans l’ouvrage collectif Charlie
Chaplin, ed. Les Cahiers du Cinéma,
1987.
2)
" que ce à quoi en a la morale
n’est pas du tout l’immoral, l’injuste, le scandaleux,
mais bien le réel, - unique et vraie source
de tout le scandale. " Le Principe
de cruauté, Clément Rosset,
p.28.
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Titre
original : Dodes'Kaden
Réalisateur :
Akira Kurosawa
Acteurs : Yoshitaka
Zushi, Kin Sugai, Kazuo Kato, Junzaburo Ban
Format : 1.33 -
Double couche
Langues : japonais
mono
Sous-titre : français
Zone du DVD : 2
Editeur DVD : Arte
Vidéo
Durée : 134 minutes
Année :
1970
Coffret Akira Kurosawa
Coffret de 6 films
DVD comprenant La Légende du grand judo,
Le Château de l’araignée, La Forteresse
cachée, Sanjuro, Barberousse, Dodes’ Kaden.
Les films sont également
disponibles en DVD Zone 2 à l’unité :
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