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Craques, coupes et meutes raciales (c) D.R. LIVRE

Craques, coupes
et meutes raciales

de Harmony Korine
Par John Jefferson SELVE


Harmony Korine, jeune cinéaste américain, scénariste du Kids de Larry Clarks et auteur de deux films magnifiques : Gummo en 1997 et Julian Donkey Boy en 1999 vient de sortir aux excellentes éditions Al Dante un premier livre : Craques, coupes et meutes raciales inoculant de façon magistrale son univers à l’art de l’écriture et de la prose poétique.


A travers un art du montage singulier qui divise le livre en trois parties : craques, coupes, émeutes raciales ; le vilain petit métèque ; comme un turc à Stockholm, Korine, en héritier direct de Burroughs, nous livre une recherche sans cesse en mouvement, reprenant à son compte de manière brillante et sensible l’utilisation du collage, de l’échantillonnage, du sampling scriptural, intégrant à chaque instant les escarres filmiques qui assurent la force et la singularité de ses films, instaurant non pas l’envie parfois pénible d’une modernité à tout prix, mais plus sincèrement, une vision transversale, personnelle et obsessionnelle de l’être humain.

  Harmony Korine (c) D.R.
C’est ainsi que nous retrouvons la matrice subculturelle américaine comme toile de fond à une série de dialogues, de débuts de scénarii, d’énumérations diverses et fantasques reprenant de nombreux référents à la diversité culturelle américaine : Ray Liotta côtoie Tristram Shamdy, Walter Benjamin, Toulouse Lautrec et Johnny Rotten, mais c’est surtout du côté de T.S Elliot, mis en exergue au début du livre, qu’il faut comprendre le travail d’écriture d’Harmony Korine, dans cette volonté de saisir et de toucher au réel à travers un art du montage qui renvoie inexorablement au cinématographe.

La qualité de Korine réside dans l’utilisation de ces outils littéraires, le name dropping est chez lui avant tout une affaire de déterritorialisation temporelle, à l’inverse d’un Brett Easton Ellis qui épuisera avec talent et jusqu’au bout les affres d’une contemporanéité en multipliant les référents devenus creux, vidés de toutes substances et de toute connotation. Harmony Korine remplit ses référents des différentes icônes qui érigent à la manière d’un patchwork un savoir relevant de l’affectivité, se construisant à partir du goût et de l’émotion, d’affects avortés aux désirs contrariés, il dresse une toile politique d’une partie de l’Amérique mise à l’écart des critères de rentabilité.

Encore une fois nous sommes là dans une hétérogénéité qui laisse la part belle à la sensation, aux Freaks de tous genres, privilégiés par une lisibilité assez exceptionnelle pour ce genre d’ouvrage.