LIVRE Ils sont velus, ils sont tous là !
de Régis Sajou
Les Flingueurs
de Max Joubert
Par
Yves GAILLARD
Après Ciné-Légendes,
et Cinéfilms, l’éditeur Dreamland lance une nouvelle
collection : " CinéPulp ". La
collection se veut grand public, et s’oriente au vu des trois
titres déjà sortis vers une typologie d’archétypes
de la fiction populaire. Une maquette sobre, des prix abordables :
cette initiative éditoriale est la bienvenue dans le
champ d’une littérature française du cinéma
encore frileuse à l’étude de genre. Les titres
proposés jusqu’ici intéressent par leur pertinence
en regard de l’attrait actuel qui environne le cinéma
de genre (ou bis, ou populaire, ou " B ",
au choix) aujourd’hui.
COLLECTION CINEPULP CHEZ DREAMLAND
" Le fond de cet ouvrage
est incontestable, documenté, parfois pertinent, mais
la forme reste irrévérencieuse, iconoclaste, hilarante.
La mauvaise foi y voisine avec le mauvais goût, et vice
et versa " dixit la 4e de couverture des
Flingueurs. Que ceux que l’humour potache et graveleux
utilisé à dose massive exaspèrent ou désolent,
passent leur chemin : CinéPulp n’est pas
pour eux. Les titres parus à ce jour s’affilient en effet
à la prose rigolarde d’un Jean-Pierre Putters, dont les
mythiques Craignos Monsters pourrait s’ériger
en modèle de cette écriture qui oscille entre
le document et le billet d’humeur. Le choix éditorial
d’une alliance de la subjectivité (à tout prix,
serait-on tentés d’ajouter, à la lecture parfois
laborieuse des ouvrages) et d’un thème à priori
" pointu " est un concept intéressant,
mais les titres parus jusqu’ici peinent quand même à
convaincre.
Il s’agit là d’une
collection naissante, donc encore en ajustage. Les tâtonnements
de conception en sont le lot, mais ils disparaîtront,
espérons-le, au fil des nouveaux titres. S’ils peuvent
peut-être convenir à un lectorat novice, ils
laissent cependant l’amateur sur sa faim par l’absence de
rigueur documentaire de la part des auteurs. Une filmographie
complète, en index, aurait ainsi été
la bienvenue dans tous les volumes, et l’absence quasi-totale
de repères historiques se révèle également
très frustrante. Un exemple symptomatique : les
détournements de photos par leurs titres, si elles
amusent, font l’économie fâcheuse de nommer le
film d’où elle est extraite.
Un autre point noir nettement
plus gênant est la complaisance des auteurs à
avoir recours aux citations : elles se justifient certes
par l’éclairage rétrospectif sur les films
abordés lorsqu’il s’agit de mini revue de presse,
comme celle réalisé par Régis Sajou
sur la série des Planet of the Apes ;
mais les anecdotes de tournage, ou les propos de réalisateurs,
semblant extraits tels quels des dossiers de presse, alourdissent
les textes, pour un intérêt informatif quasi
nul. Max Joubert en fait ainsi un usage extensif, et on
a le sentiment parfois désagréable de frôler
le bâclage. Au vu de certaines notules, on peut même
se demander si, à l’instar des textes de Manchette
dans Les Yeux de la Momie, les textes n’ont pas été
écrits sans avoir vu les films, tant les résumés
de dossiers de presse ou les citations de critiques empiètent
sur les études proprement dites. Les choix éditoriaux
sont donc encore inaboutis, hésitant entre un réel
souci de découverte, et la volonté d’élaborer
un " style " ironique et plaisant, " pop-corn".
Une intention pas plus inintéressante qu’une autre,
mais qui nécessite cependant une vraie rigueur de
conception. Et même si (surtout si) la collection
s’adresse à un large public, une dose d’objectivité
par rapport aux thèmes abordés serait à
l’avenir grandement nécessaire.