Synopsis : Bobby
Kent est mort le 14 juillet 1993. Alors qu'il était
allongé dans son sang, il demanda de l'aide puis la
grâce, à son meilleur ami, Marty Puccio. Sa réponse
fut instantanée et préméditée
: il l'étripa et lui renversa la tête en arrière
pour lui trancher la gorge. L'incident laissa les habitants
sans voix, les parents des jeunes meurtriers dépressifs
et inconsolables et un groupe d'adolescents accusés
d'un crime sanglant pour lequel ils ne se repentiront jamais.
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Oui, Bully
est adapté d’un fait réel et, quelle infamie,
ça parle d’adolescents qui tuent sauvagement l’un de
leurs congénères pour des raisons, au final,
assez sommaires. Voilà, en substance ce que beaucoup
retiendront de ce film. Et cela suffira à alimenter
pendant quelques dizaines de minutes les débats de
société sur pêle-mêle, la sous-culture
américaine, la violence chez les jeunes, le danger
des jeux vidéo, et si on creuse un peu on arrivera
bien à une critique du système économique…
Sauf que Larry Clark est
tout sauf un Jean-Luc Delarue des salles obscures, se refusant
d’ailleurs à toute considération sur les conditions
sociales sur ses jeunes anti-héros (banlieusards moyens,
ni pauvres ni riches). Officiant, à l’origine, dans
le domaine de la photographie où il a déjà
illustré ses thèmes fétiches, le réalisateur
est, on l’aura compris avec ses œuvres, fasciné par
l’adolescence, le corps qui change et devient objet de fantasmes.
Et ses clichés sont parmi les plus passionnants en
la matière, ce qui se ressent dans la manière
de filmer la peau dénudée, ingrate et désirable,
entre attirance et répulsion. Soit l’un des paradoxes
les plus fort de ce stade de la vie, où les jeunes
découvrent leur besoin du corps de l’autre alors même
que le leur les répugne.
Il faut donc préciser
que tout l’intérêt du film se trouve dans cette
manière de décrire non pas l’impact psychologique
du meurtre sur les êtres, sujet déjà traité
maintes fois (faut-il citer les récents Petits meurtres
entre amis, Les Amants Criminels ?), mais dans la
tension que suscite ce choc de la chair en transformation,
devenant objet de fantasme et argument social. Car les jeunes
acteurs sont exhibés de toutes les manières
possibles, filmés textuellement à fleur de peau,
avec des poils, des tatouages, de la sueur et surtout pas
de maquillage.
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Ce rapport au corps en
tant qu’objet de séduction semble être l’une
des préoccupations majeures de Clark et, en tout cas,
l’une des mieux traitées esthétiquement dans
ce film. Sans jamais faire dans la complaisance ou le didactisme
(contrairement à l’aspect moral politiquement très
correct), il montre par des petits détails subtils
les difficultés qu’ont les personnages à l’appréhender.
L’adolescente séduisante qui se farde comme une prostituée,
abandonnant son corps au premier venu, le gros fan de jeu
vidéo, peu intégré socialement, qui souffre
en silence de son corps maltraité, le garçon
qui souffre d’être moins beau que son meilleur ami et
(on le verra) d’en être amoureux, comme dans cette scène
où Bobby se regarde dans le miroir, seul face à
son propre corps. Scène clé dont les interprétations
sont multiples et donnent vie au film. Ce sont ces petits
moments, contemplatifs, méditatifs, où l’image
sort de la simple fonction narrative, qui font le vrai centre
d’intérêt artistique où s’exprime l’auteur.
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