Synopsis : Les
trois frères Polonski, Ben, Abe et Josh, travaillent
ensemble dans leur magasin de tissus du Lower East Side à
New York. Leur vie est bouleversée lorsque Josh est
brutalement abattu dans la rue devant Abe. Déterminé
à élucider le mystère de la mort de son
frère, Abe pénètre dans le New York trouble
et malfamé que Josh fréquentait. La rencontre
avec Jill, une call-girl, la présence oppressive de
la famille, le conflit grandissant avec le frère aîné,
les relations distantes avec sa femme, déclenchent
chez Abe un désir de fuir ce monde trop étroit.
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LA FORCE DE LA FRAGILITE
I’m Josh Polonski’s Brother,
de Raphaël Nadjari fait partie des films qui posent l’éternel
problème de la forme et du fond. Le film a été
en effet entièrement tourné en super 8 et gonflé
en 35 mm. Au-delà des raisons économiques, c’est
un choix esthétique fort, audacieux, voire provocant.
Un choix volontairement à contre-courant puisque le
spectateur s’attendrait plutôt au format DV. Mais également
à contre courant des normes cinématographiques
en usage puisque le super 8 n’est pas un format professionnel
de tournage. Comme si Nadjari, d’une part voulait témoigner
d’une foi dans le cinéma, dans le pouvoir et le statut
originel de l’image cinématographique (la pellicule
contre la vidéo), et d’autre part voulait garder un
coté expérimental et amateur.
La pertinence de la forme
cinématographique semble se justifier selon un axe
bien particulier, revendiqué par le cinéaste
lui-même : l’axe de la fragilité. I’m Josh
Polonski’s brother est en effet un objet fragile en terme
d’image, en terme de production, de récit (commencé
sans scénario ni dialogue) qui épouse la fragilité
même du personnage et de son regard. Comme dans The
Shade, l’histoire s’enracine fortement dans New York, ici
le quartier, animé et bigarré, du Lower East
Side. Les frères Polonski tiennent un magasin de tissus
jusqu’au jour où Josh est abattu dans la rue. Abe,
personnage naïf et fragile, entreprend une enquête
sur la mort de son frère qui l’emmène dans les
lieux troubles et interlopes de la ville, l’envers obscur
de la cité. Evidemment, la structure légère
de tournage permet de suivre cette logique déambulatoire,
errante du héros, c’est-à-dire de capter les
pulsations et l’énergie de la ville, d’adopter un état
de réceptivité et de disponibilité face
aux multiples signes, stimuli, événements, produits
par cette fascinante et monstrueuse cité. L’absence
de scénario entraîne le cinéma de Nadjari
sur une pente documentariste. Comme si la ville elle-même
devait engendrer l’histoire qu’on raconte. Bien souvent le
spectateur se dit que l’intrigue n’est qu’un prétexte.
De fait, elle contraste fortement avec celle de The Shade,
plus structurée, basée sur un canevas littéraire
(une nouvelle de Dostoievski) mais aussi plus forte, plus
tendue, plus originale. Cependant, on retrouve dans ce dernier
film une thématique dostoïevskienne à travers
le fort sentiment de culpabilité du héros, accentué
par le poids de la religion juive du milieu familial, son
caractère autodestructeur. A ce sujet, il convient
de souligner la magnifique interprétation de Richard
Edson, rendant sensible la naïveté, la maladresse
de son personnage, lui donnant la dimension innocente d’un
enfant. Par ailleurs, notons le personnage complexe et inquiétant
de Ben, le frère aîné (Jeff Ware), prototype
du personnage qui à force de vouloir le bien fait le
mal, et exerce une autorité morale tyrannique sur la
famille (et sur Abe), sorte de sur-moi religieux, figure paternelle
et castratrice type.
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