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Cette notion de fragilité
permet aussi de mettre en lumière un thème déjà
très présent dans The Shade : la violence économique.
Nadjari situe ses histoires dans le milieu du petit commerce,
de la petite entreprise, c’est-à-dire un milieu petit
et fragilisé par un contexte économique âpre
et dur où règnent la compétition et la
concurrence, où l’on doit se battre pour survivre.
A travers New York, Nadjeri filme un monde dominé par
la loi implacable du fric; un monde inhumain où les
rapports humains sont froids, durs, indifférents ou
intéressés. C’est bien pourquoi, dans les deux
films, les personnages ont besoin de se trouver une communauté
(le couple dans The Shade, la famille dans I’m Josh
Polonski’s brother), où ils peuvent tisser des
liens d’entraide et de solidarité, des rapports humains
authentiques et désintéressés. Ils cherchent
aussi à se ménager un espace intime et clos,
un havre de douceur préservé de la violence
extérieure. Le réalisateur joue beaucoup de
cette frontière entre l’intérieur et l’extérieur.
New York apparaît presque comme une entité menaçante
et agressive ; un dehors source de danger. D’où ce
climat de cauchemar, rendu par l’image granuleuse (saluons
le travail du chef op Laurent Brunet, également présent
sur The Shade) les nombreuses scènes de nuit
et une musique électronique sombre et lancinante. On
remarque aussi une sorte d’harmonie imitative, un effet de
miroir entre la fragilité économique du film,
véritable petite entreprise (il suffit de lire les
notes de production du dossier de presse), et la fragilité
économique de l’entreprise des frères Polonsky,
comme si le dispositif même du film reproduisait cette
lutte économique des personnages.
Pour terminer, on peut dire
que ce qui fait la singularité de ce second film, peut-être
un peu moins réussi que le premier, c’est une esthétique
du contraste, du mélange (des genres), voire de l’impureté.
Le montage, dont le rôle dans l’organisation du récit
a pris une place prépondérante du fait de l’absence
de scénario, privilégie ainsi les ruptures de
ton et de rythme, les ellipses brutales. La scène primitive
est de ce point de vue exemplaire : une très longue
scène de repas familial, très documentaire,
aussi dilatée qu’une scène d’un film de Cassavetes,
laisse la place l’instant d’après, au meurtre du frère
dans la rue. La tension est constante, entre le souci documentaire,
qui implique une disponibilité à l’imprévu,
et l’envie de faire un film de genre (le polar social), le
plaisir de raconter une histoire. Le contraste entre la recherche
du réalisme et la volonté d’installer une ambiance
onirique et irréelle. Tension et contraste qu’on retrouve
à l’œuvre dans la musique remarquable de Jean Pierre
Sluys et Vincent Segal, qui mêle tradition et modernisme,
c’est-à-dire le son acoustique du violon et des boucles
électroniques hypnotiques. Grâce à cette
esthétique, le film vaut finalement moins par son histoire
par le portrait assez trouble et original qu’il brosse de
New-York , cité onirique de contrastes et de mélanges.
I’m Josh Polonski’s brother est un objet fragile, audacieux
et attachant.
Bonus :
Les bandes-annonces et une préface de Thierry Jousse
des Cahiers du cinéma.
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Titre : I’m Josh Polonski’s Brother
Réalisation et scénario : Raphaël Nadjari
Acteurs : Richard Edson,
Jeff Ware, Meg Hartig
Format de tournage :
super 8 mm
Public : tous publics
Editeur : MK2
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