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  Harun Farocki (c) D.R.

Déjà, la conférence qui inaugurait les installations au Goethe Institut laissait entrevoir des pistes critiques foisonnantes. La visée : mettre en saillie tous les croisements souterrains du cinéma-dispositif de Farocki, entre l’installation vidéo et la pratique du found-footage, entre le film et l’art contemporain. Entrons dans l’image de l’un de ses films, Auge / Maschine, au cœur des richesses plastiques et politiques de Farocki. Le cinéaste ébauche ici une réflexion sur l’usage des images de la Guerre du Golfe comme nouvelle propagande, certaines télévisions menant la guerre par des moyens électroniques. Il en va ainsi de la caméra-suicide, vue subjective d’un zoom foudroyant qui tombe à terre. Mais ici, l’horreur de la prise de vue qui mime une chute kamikaze est amplifiée par la coupe de l’image au moment de l’impact à terre. L’imaginaire ne travaille plus, seul l’œil humain se remet de la chute. À quoi s’en remettre, sinon à un facile et prudent non-sens, que signifie le nom de ce procédé (et qui témoigne de son abstraction) : la caméra-suicide ? La chute sans atterrissage confère un supplément de stupeur en même temps qu’un gain de réel : ne pas montrer les éclats du missile décuple l’horreur. Redouble, au fond, l’effet de réel de la prise de vue. Que des télévisions s’emparent de ces images (ce qui pourrait expliquer sans doute la décision de couper la dernière vue, l’image qui tue) dépasse l’entendement et pose d’autres questions édifiantes, du point de vue théorique, pratique et (dé)ontologique. D’où proviennent exactement ces images qui vantent le chaos et la destruction par l’image ? Qui fournit ces caméras - suicides ? Comment et dans quelle visée prétendre à un autre usage ? Nulle prise de vue humaine, ici, ni de moments volés de guerre. Œil / Machine ne constitue pas seulement un jalon sur l’image de guerre mondiale. Comme le prétend le titre, le film invoque la future désintégration de l’œil, son ablation terminale au profit des machines de guerre et de surveillance. Plus que jamais, comme le dit Christa Blümlinger, dans Trafic, " l’ère industrielle a remplacé le travail manuel par le travail des machines. "

Ce qui passionne réside également dans l’étude de Farocki sur " l’évolution de la technologie de surveillance ", à l’œuvre dans I thought I was seing convicts. Dans une vision et une pratique du chaos, véritable utopie de surveillance (dépassement total de l’ubiquité du Panopticon, que Foucault décrypte dans Surveiller et punir), la nouvelle ère de l’image de surveillance abolit l’être humain au profit de l’œil-caméra. Dans un couloir de prison ou dans l’œil du missile œuvre une seule machine. Le but : se libérer d’une ancienne méthode. Christa Blümlinger achève d’expliquer la disparition du témoignage de l’œil (la fabuleuse prémonition des Mille yeux du Docteur Mabuse de Fritz Lang paraît, ici, furieusement datée), en analysant ces " micro-fonctions du pouvoir dans les sociétés disciplinaires. " L’analyste démontre enfin que Farocki travaille, en outre, la retranscription des images, la mémoire des images technologiques. Est créé un œil anthropomorphique, par un savant jeu de lignes, rouges, vertes, qui dessinent la reconnaissance d’un chemin, des appareils (avion à l’atterrissage) en mémoire. Il s’agit donc d’une mise à nu de la robotique. " Ainsi ne voyons-nous pas seulement des détenus filmés par une caméra vidéo, mais aussi la transposition graphique qu’en donnent les détecteurs de mouvement électronique. "

Deepend (c) D.R.

Il faut lire notamment cet ensemble de textes sur Harun Farocki qui dresse, grâce à l’analyse limpide de ses films, les nombreux et nouveaux statuts du cinéaste : historien des technologies et historien de l’image technique, et ce par l’archive des images ; ce qui augure à la fois d’une histoire d’un certain pan du found-footage ainsi qu’une histoire des dispositifs. C. Blümlinger lors de la conférence : " ne plus filmer avec un effet zoom, ni filmer des blocs de maison (cinéma narratif) : trouver un nouveau point de vue en filmant des images de l’Univers. "




Le sommaire du numéro 43 de Traffic
 :

Le cinéma est une invention post-mortem par Erik Bullot
Influences transversales par Harun Farocki
Travailler avec Harun par Hanns Zischler
Harun Farocki : l'art du possible par Christa Blümlinger
Six Feet Under, croque la mort par Emmanuel Burdeau
Le navire aux huit voiles (et aux cinquante canons noirs) par Z. Lund
Abel Ferrara versus XXe siècle : une Passion critique par N. Brenez
Lettre de Melbourne par Adrian Martin
Meurtre en douceur par Jerzy Skolimowski
Skolimowski entre ciel et terre par Jean Durançon
L'adolescence éternelle par Marcos Uzal
Un cas de refoulement dans l'espace par Jean-Claude Pons
Le dépli des émotions par Raymond Bellour
Dante Schelling Godard / Histoire(s) (montage) par Helmut Färber




Titre : Trafic, n° 43, automne 2002
Type : Revue de cinéma
Edition : P.O.L
Prix : 14, 5 euros
Site de l’éditeur : Http://www.pol-editeur.fr
Contact abonnement : madsen@pol-editeur.fr

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