SILENCE ON TOURNE
Javier Navarrete n’est
pas un débutant. Avant d’écrire la musique de
L’échine du diable, le très bon film
de Guillermo del Toro, il avait déjà mis en
notes la musique de Tras el cristal (In a glass
cage en version internationale), la première œuvre
du réalisateur ibérique Augustin Villaronga,
sortie en 1986 sur les écrans français.
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Comme dans cette production
espagnole où l’on notait la présence de l’actrice
Marisa Paredes, L’échine du diable recourt à
l’ambiance ténébreuse du cinéma d’épouvante.
Dans ses compositions, Javier Navarrete développe donc
le registre musical habituel à ce genre de production.
Les violons sont omniprésents, prêts à
s’agiter de l’archet à chaque moment de tension. Les
hautbois les soutiennent pour accompagner les scènes
où le mystère se fait plus épais. Lorsque
le rythme du récit décélère, devient
plus calme, le piano et les flûtes à bec ou traversières
prennent le relais, laissant toujours planer une menace impalpable
sur les protagonistes de l’histoire.
En résumé, Javier Navarrete met en œuvre tous
les artifices orchestraux pour donner des sueurs et faire
monter la psychose. Malheureusement n’est pas Bernard Hermann
qui veut, et Javier Navarrete n’atteint pas les sommets harmoniques
de son prestigieux aîné.
D’ailleurs, à la sortie d’une projection de L’échine
du diable, les premières remarques qui vous viennent
à l’esprit concernent le jeu remarquable des acteurs
ou la réalisation charnelle de Guillermo del Toro.
Mais, il faut bien l’avouer, la bande originale de Javier
Navarrete passe assez inaperçue.
Une fois revenu chez
soi, confortablement installé dans son canapé
préféré, l’écoute des dix-neuf
morceaux composant la musique de L’échine du diable
confirme malheureusement cette première impression.
Comparées à
deux magnifiques chansons de Carlos Gardel, reléguées
en fin du CD, les sombres partitions classiques de Javier
Navarrete n’inspirent pas grand-chose, si ce n’est des bâillements
de moins en moins intempestifs.
Pendant que le CD
tourne à toute vitesse sur son lecteur approprié,
l’auditeur aura même les plus grandes difficultés
à vraiment se concentrer sur cette bande originale.
En effet, la musique de Javier Navarrete n’est pas de celle
qui vous cloue sur place ou vous transporte en un clin d’œil
dans un univers poétique. Elle donne plutôt l’envie
de s’affairer à d’autres tâches tout en laissant
le haut-parleur fonctionner à plein volume. Ni mauvaise,
ni désagréable, elle manque juste de relief
pour réellement captiver l’oreille.
Mais cette apparente faiblesse de la B.O. de L’échine
du diable est en fait sa plus grande vertu. Sur Cd, les
compositions de Javier Navarrete semblent sans intérêt
car il leur manque l’élément qui justifie leur
existence, c’est-à-dire l’image. Sans cette dimension
proprement cinématographique, la musique de Javier
Navarrete perd toute raison d’être.
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