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Io d'Ennio Morricone(c) D.R. MUSIQUE

Io, Ennio Morricone
d'Ennio Morricone

Musique de chambre,
symphonique et pour piano
Par Alexandre TYLSKI

 

Ce coffret 4 CD d’Ennio Morricone (accompagné d’un livret de 28 pages) risque d’en surprendre plus d’un(e). Certes, Morricone, 74 ans, a déjà à son actif pléthore de compilations et albums en tout genre mais, cette fois-ci, la sélection est plutôt inédite et audacieuse. On y retrouve quelques-unes des mélodies-clé de Morricone ici adaptées par le compositeur au piano, en duo ou en quatuor (CD 1 et 2). On retrouvera aussi et surtout, les pièces musicales " savantes ", " difficiles ", de Morricone : ses musiques de chambre (CD 3) et trois de ses concertos (CD 4). S’ajoute à ces ré-enregistrements la présence d’Andrea Morricone (le fils du compositeur), ici en tant que chef d’orchestre des musiques de chambre de son père, et en tant que compositeur - sur le troisième CD (Reti ; Iter). Ce coffret peut se prévaloir, qui plus est, de solistes italiens de grand talent, dont la pianiste " préférée " de Morricone, Gilda Buttà, ainsi que le flûtiste, Paolo Zampini, le violoncelliste, Luca Pincini et l’altiste Fausto Anselmo.

  Ennio Morricone (c) D.R.

Le talent de ces solistes se fait sentir dès les premiers morceaux du CD 1 avec une version piano-alto très émouvante du thème principal de Once upon the time in the west - pourtant symphonique dans le film de Sergio Leone. Il fallait y penser. Poursuit une version quatuor du thème de Gabriel dans Mission, remarquablement ré-adapté ici par Morricone. Réduits à leur plus simple expression (si l’on peut dire), ces deux morceaux prouvent à quel point Morricone est aussi un arrangeur et un mélodiste sans pareil. Ce même Morricone qui vilipendait sans le nommer John Williams de son hégémonie symphonique, le musicien italien affirmant que la grandeur d’une mélodie ne se mesure pas à un emballage symphonique mais à sa résistance même au solo dénudé. Le grand public ne s’y trompe d’ailleurs pas et retient généralement de Morricone des solos inspirés. L’individu.

Pourtant, la richesse de l’œuvre-Morricone est sa capacité à être, aussi, symphonique quand le besoin s’en fait sentir - ainsi, dans le troisième morceau du CD, le ré-enregistrement du fameux thème nostalgique de Once upon a time in America. S’en suit un morceau à la flûte (L’héritage), un instrument authentique qu’affectionne tout particulièrement Morricone. Celui-ci avoue volontiers être fasciné par l’inexplicable durée de vie de la flûte, inchangée à travers les âges et les cultures. Un instrument (à l’image du compositeur ?) fin, petit, universel, s’élevant des airs, échappant aux contraintes terrestres. Les solos de flûte du Sang du châtiment (plage 9), de Moïse (plage 11) et de Vertiges (plage 12) sont en ce sens parmi les plus mystérieux de la carrière de Morricone, sans que ce dernier ait à rougir des plus belles pièces de Claude Debussy.

The Untouchables (c) D.R.

Le deuxième disque se concentre sur des solos de piano et fait apparaître quelques marques de fabrique de Morricone, en particulier une figure récurrente chez lui, consistant à répéter trois notes de manière obsessionnelle. Un rythme évoquant un galop et marquant une impatience (comme quand on tape des doigts sur une table) que l’on retrouve dans Disons, un soir à dîner et dans Cana Bianco notamment. Si Morricone ne sait pas très bien jouer au piano lui-même et ne compose pas au piano (mais directement au crayon sur la partition et dans la pénombre), le piano est une base essentielle de son œuvre. Il sert souvent de contrepoint naturel à la flûte notamment. Le piano chez lui ramène souvent sa musique vers la terre et ses grondements. Le piano chez Morricone, s’il est parfois mélodique (Le désert des Tartares) relève tout autant de la percussion (on pense par exemple à sa partition de The Untouchables, 1987), ici représenté par le morceau tiré du film de Rosi, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (plage 3).

Cette sélection de thèmes interprétés au piano rappelleront aux moins connaisseurs la part importante de films intimistes dans la carrière d’Ennio Morricone (ses musiques de westerns représentant 1/10ème de sa filmographie). Ils rappelleront aussi la variété et la qualité des cinéastes avec lesquels Morricone a travaillé : Rosi, Comencini, Enrico, Young, Ferreri, Bertolucci, Argento, Verneuil, Taviani, Girod, Boorman, Malick, Lautner, Boisset, Molinaro, Giovanni, Fuller, Joffé, Polanski, Friedkin, De Palma, Tornatore, Zeffirelli, Levinson, Nichols, Stone. Bertolucci dira de Morricone dans un documentaire dédié au musicien qu’il a composé sans le savoir quelques-uns des plus beaux thèmes, susceptibles de remplacer l’hymne national italien. La beauté et la sensibilité toute italienne du morceau Il potere degli angeli peut ici en témoigner.