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Stéphane Goudet nous
propose un commentaire particulièrement riche et complet.
Ce qui n’est pas étonnant :. l’actuel directeur du
Méliès à Montreuil est l’un des grands
spécialistes de Tati en France et Playtime est
l’objet d’étude central de sa thèse. D’ailleurs
le livre en reprend, de façon condensée, quelques
éléments, et l’aspect universitaire du texte
s’en ressent un peu. La lecture s’en avère évidemment
passionnante même si son étude, presque trop
dense, s’adresse en priorité aux amateurs ou inconditionnels
de Tati. Sa grande qualité est de combiner l’analyse
filmique la plus serrée, parfois maniaque, avec des
réflexions esthétiques d’une portée plus
générale. Ainsi certaines pages impressionnent
par le degré d’observation dont elles témoignent,
mettant à jour des détails qui seront forcément
passés inaperçus au spectateur le plus attentif,
comme si Goudet avait vu le film au moins 100 fois. Un exemple
frappant est l’analyse, très longue, de la séquence
des appartements-vitrines, qui a pour enjeu la représentation
de la sexualité, ce qui m’a échappé,
je l’avoue.
Pour le reste, on saura
gré à Goudet de la générosité
de sa pensée et de la multitude des références.
En effet, beaucoup de monde est convié au fil des pages,
des penseurs et des écrivains et non des moindres :
Heidegger, Merleau-Ponty, Walter Benjamin, Freud, Foucault
etc. Tous ces noms attestent au fond de l’intense appel à
la pensée qu’est Playtime, et plus encore de
sa profonde modernité, qui entre en résonance
avec les préoccupations de certains penseurs. Goudet
montre bien que la vision de la modernité que déploie
Playtime s’inscrit avant tout dans le rapport de l’homme
à l’espace, c’est le seul axe qui intéresse
Tati. Ce rapport est tout entier soumis à la désorientation,
dont est victime M. Hulot tout au long du film. Tous les effets
comiques, et esthétiques, viennent de là : l’indistinction
du haut et du bas, du proche et du lointain, de l’intérieur
et de l’extérieur dans un univers d’immensité
et de transparence. C’est dire que le grand enjeu philosophique
du film est l’habitation : qu’est-ce qu’habiter dans une société
moderne ?
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On ne s’étonnera
pas enfin que Goudet termine sur une dimension plus politique
et sociale, qui produit sans doute toute la jeunesse et la
pertinence du film. Pour le spectateur de 2002, Playtime
est peut-être le premier film de l’histoire du cinéma
à réfléchir concrètement sur ce
qu’on appelle aujourd’hui la globalisation et ses conséquences
sur la vie en société. Force est de constater
que la grande vision de Tati touche encore juste, notamment
en ce qui concerne la société de consommation
et l’uniformisation généralisée. Ainsi
Playtime finit par revêtir une dimension légèrement
contestataire voire subversive (l’"histoire" du film raconte
une subversion : de la ligne droite au rond), qui en fait
tout le prix aujourd’hui et la discrète et tranquille
virulence.
En définitive, le livre de François Ede et de
Stéphane Goudet, complément logique d’une grande
opération patrimoniale, s’avère le cadeau rêvé
pour tout amateur ou passionné de Tati digne de ce
nom (et ils sont nombreux !). Un film exceptionnel et une
restauration exceptionnelle méritait bien un livre
exceptionnel.
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Titre :
Playtime
Auteurs :
François Ede, Stéphane Goudet, Jacques
Tati
Edition :
Cahiers du cinéma
Collection :
Albums
Nombre de pages :
185 page
Format :
23 cm x 27 cm
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