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DVD

La Faute à Voltaire
d’Abdellatif Kechiche
Par Cyrille GUERIN


SYNOPSIS : Tel un Candide rêvant de l'Eldorado, Jallel immigre en France avec l'espoir de tenter sa chance. De rencontres en rencontres, de foyers en associations, Jallel chemine dans le Paris des exclus et, faute de satisfaire ses espoirs de fortune, découvre et partage la solidarité des déshérités.

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VOLTAIRE, LA FAUTE

 

La Mostra de Venise s’était faite les dents sur La Faute à Voltaire en lui attribuant le Lion d"Or de la Première Œuvre. Une tête de gondole vénitienne qui, malgré quelques audaces liminaires, finit par sombrer dans une candeur relativement exaspérante. Quitte à biner son jardin, autant ne pas se prendre de râteau.

La France étant le pays des Droits de l’Homme, et des expulsions inhumaines des sans papiers de Saint-Bernard, Jallel, jeune Tunisien, décide donc de vérifier si les trois fleurons révolutionnaires d’ici, Liberté-Égalité-Fraternité, sont toujours d’actu. Bien entendu, il vérifiera, à ses dépens, que ladite troïka ne bat plus pavillon depuis belle lurette lui qui, au terme de 2h10 post Zonca, embarquera dans un charter aller simple. S’il est habituellement assez malvenu de révéler la fin d’un film (qui n’a pas rêvé de foutre un procès au cul du crétin racontant le dernier, et de loin le meilleur, quart d’heure du Sixième sens), lever le voile sur les dernières respirations de La Faute à Voltaire ne relève pas de la prison à perpétuité. Car le premier long-métrage d’Abdelatiff Kechiche est ainsi baptisé qu’il avance non masqué, alignant des soubresauts sans saveur, le titre de l’ensemble contenant en germe la conclusion du scénario. La prolepse, figure rhétorique de l’anticipation, secoue en vain, sans conséquemment dégager la moindre pulpe, un scénario à la musculature chiche sur lequel planent des souvenirs cinématographiques tels Green Card, La Vie rêvée des anges et, en s’équipant il est vrai de puissantes jumelles, La Vie est belle de Benigni. Une chromo zone où La Faute à Voltaire, brillant élève au permis de conduire poids lourds, réussit sans problème aucun un parfait créneau.

Armé de trop bonnes intentions un tantinet déjà croisées chez un Guédiguian asthmatique, ce premier long-métrage se ramasse pas mal de bombes anti-personnelles. Exception faite des quarante-cinq premières minutes qui, dans une inflation bénéfique de reconstruction du corpus mélo en milieu cinématographique, confèrent à la relation entre les personnages de Bouajila et Atika comme une agréable odeur poussiéreuse de chantier sentimental raté. Option assez couillue proposée à une société saint-Valentinisée croyant, mordicus, au grand et unique amour. Les textes capiteux d’un Daho (Quand on veut offrir ce que l’on n’a pas / à quelqu’un qui n’en veut vraiment pas entendu dans le quintessentiel Les Mauvais choix sur le biblique Corps et armes) apportent à ce moment précis du parcours initiatique de Jallel quelques centilitres vivifiants de sang narratif. Malheureusement, le rejet est à la hauteur de ces quelques minutes de bonheur déceptives. L’organisme de La Faute à Voltaire n’accepte pas une perfusion qui, dans une course contre les archétypes de rigueur, eût pu déboucher sur une forme de rébellion des plus jouissives. Or, l’action préfère la tonsure propre aux moutons, se débarrassant, avec force irrévérence, de Nassera campée par Aure Atika, figure fictive trop féline pour le virage paresseux qu’opère Kechiche par la suite.