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En somme, Maurice Jarre serait donc
une sorte de caméléon musical capable d'adapter
ses partitions à tous les zones géographiques
possibles. Malheureusement à l'écoute des vingt-deux
morceaux qui composent ce pot-pourri pour cinéphiles,
le miracle musical prédit par Alain Garel ne se produit
pas. Au lieu d'enrichir les mélodies, l'intrusion d'instruments
dits traditionnels les alourdit considérablement. Ainsi,
l'extrait de la B.O. de Pancho Villa ressemble plus
au fond sonore d'une pub pour tequila qu'à la retranscription
de la culture musicale du Mexique. En clair, la musique de
Maurice Jarre n'est qu'une accumulation de clichés
plus stéréotypés les uns que les autres
sur l'ambiance sonore de telle ou telle contrée. Comme
on l'a dit un peu plus haut, tous les morceaux de "L'émotion
et la force" se ressemblent, possèdent la même
trame rythmique (jamais une rupture de tonalité, tout
est toujours parfaitement mélodique et harmonieux).
Si on applique cette remarque aux pseudo-qualités ethnomusicales
de Maurice Jarre, le constat devient accablant. Entre des
morceaux soi-disant arabisants et des titres présentés
comme russophones, il n'existe pratiquement aucune différence.
Le talent de traducteur d'ambiances que prête Alain
Garel à son ami Maurice Jarre en prend donc un sacré
coup.
Derrière cette démarche qui préfère
le plat aux déliés, qui se cantonne dans la
plaine pour ne pas se risquer dans les reliefs, se dissimule
une vision artistique trop mince pour être honnête.
Maurice Jarre compose des musiques de film populaires, faciles
d'accès, tout comme André Rieu (encore lui !)
transpose les standards classiques en niaiseries variétoches.
Faire simple serait donc la clef du succès. Mais il
ne s'agit là que de commerce et bien peu d'art. En
utilisant de nombreux "end crédits" (des musiques de
générique de fin, en français dans le
texte), Maurice Jarre se moque un peu du public. A quelques
exceptions près (le "Where's my mind ?" lyrique
de Fight Club), le générique de fin d'un
film n'est jamais accompagné d'une mélodie inoubliable.
Tout cela est d'ailleurs plutôt logique : les réalisateurs
ne vont pas se servir du meilleur morceau musical pour nourrir
un passage du film que la moitié des spectateurs ne
regardent pas. Dès que les premiers noms des participants
au film apparaissent sur l'écran, la plupart des spectateurs
se dirigent vers la sortie. Utiliser ce genre de morceaux
pour un best of de musiques de film est donc un choix plutôt
étrange.
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Autre bizarrerie : le recours aux
prestations en public. Les musiques de films doivent-elles
résonner dans les salles de concert ou se contenter
des salles obscures comme unique lieu d'expression ? La question
mérite réflexion. Maurice Jarre, lui, n'a pas
hésité. Il s'est revêtu avec aisance des
habits de chef d'orchestre. Mais en faisant de lui la star,
rejetant ainsi au second plan le film dont il est chargé
de composer la musique, il risque de faire oublier la place
exacte qu'il occupe dans la conception de l’œuvre. C'est précisément
dans ce piège que tombe Alain Garel dans son introduction.
Il écrit ainsi que l'itinéraire personnel de
Maurice Jarre "semble s'être répercuté,
tel un écho, sur la destinée des protagonistes
de la plupart des films dont Maurice Jarre a signé
la partition". Alain Garel met donc en avant le rôle
du compositeur français, alors que celui-ci n'est que
le bras musical des réalisateurs qui l'ont employé.
Ce n'est pas Maurice Jarre qui a dirigé la conception
de Witness ou du Tambour, il n'en a été
qu'un simple exécutant. Le principal problème
de "L'émotion et la force" se situe d'ailleurs
dans cette confusion des genres. Confusion qui résulte
en grande partie de la structure compilatoire du Cd. En effet,
un best of n'est pas vraiment la formule adéquate pour
restituer le genre très particulier de la musique de
film. L'émotion et la force ne peuvent pas surgir d'un
assemblage aussi chaotique, d'un collage aussi aléatoire.
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Titre :
Maurice Jarre, L'émotion et la force
Compositeur :
Maurice Jarre
Editeurs :
Milan, ULM
Nombre de volumes
: 2
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