LES SANGLOTS LONGS DES VIOLONS 
  
 Quel est le point commun entre
 "Zone interdite", l'émission dominicale de M6, et la
 bande-annonce des Deux Tours le deuxième épisode
 du Seigneur des anneaux ? Un même souci de faire
 spectaculaire pour porter l'audience à son maximum
 ou le nombre d'entrées à son zénith ?
 Certes, mais pas seulement. Les deux entités précédemment
 citées utilisent également la même partition
 musicale : celle créée par le compositeur américain
 Clint Mansell pour Requiem for a dream, le film de
 Darren Aronofsky. 
  
 
 
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Requiem for a dream est un
 film total au scénario impressionnant de justesse et
 à la réalisation remarquable de précision
 et d'inventivité, mais la construction élaborée
 de main de maître par Darren Aronofsky (il est à
 la fois réalisateur et co-scénariste) repose
 pour beaucoup sur le mélange de rythmes électroniques
 et de sonorités violonesques concocté par Clint
 Mansell. La musique est ainsi présente tout au long
 des 102 minutes que dure le film. Les moments de vrai silence
 sont en effet extrêmement rares, voire inexistants.
 Car la grande force de la bande originale de Requiem for
 a dream, c'est justement d'épouser parfaitement
 les courbes du scénario. 
  
 Construit en trois époques, en trois saisons (été,
 automne, hiver), Requiem for a dream raconte
 la déchéance progressive de quatre personnages.
 Délitement humain qui se traduit dans la musique de
 Clint Mansell par une altération lente de morceaux
 récurrents. Summer Ouverture, le premier morceau
 de la B.O., reviendra par exemple cinq fois hanter nos oreilles,
 sous différentes appellations ("Hope Ouverture", "Cleaning
 Appartement", "Marion Barfs", "Winter Ouverture" ou "Lux Aeterna")
 ainsi que sous différentes formes. 
  
 
 
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À chacun de ses passages, le
 morceau change de tonalité, se fait plus sombre, avec
 des accents graves et des bruitages électro-inquiétants
 qu'il ne présentait pas au départ. Summer
 Ouverture n'est pas le seul titre à présenter
 de telles caractéristiques, bien au contraire, la bande
 originale est tout entière construite sur ce système
 de répétitions non-identiques, mais il est peut-être
 le plus marquant de tous, ses variantes se situant toujours
 aux tournants majeurs du récit, c'est-à-dire
 en gros à la fin ou au début de saison. 
  
 Summer Ouverture est l'extrait le plus mélodique
 de la B.O., tranchant avec la déconstruction sonore
 de certains autres morceaux. Dans les deux premières
 périodes du film, Clint Mansell s'appuie surtout sur
 des rythmes technoïdes, notamment dans la retranscription
 musicale de fêtes plus ou moins privées où
 les stupéfiants s'injectent et s'avalent à flots
 continus. Mais tout cela reste relativement fluide et harmonique. 
  
 
 
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Dans la dernière période,
 celle dénommée "Winter", les cadres explosent
 pour donner une sorte de cacophonie syncopale et métallique,
 d'autant plus inquiétante qu'elle est terriblement
 maîtrisée. Ce chaos sonore est déjà
 impressionnant à écouter sur Cd, mais au cinéma,
 Dolby Surround oblige, l'effroi est démultiplié
 jusqu'à l'insoutenable. La musique de Clint Mansell
 devient alors le véritable instrument de peur. Bien
 plus que l'image qui sans cet appoint auditif perdrait incroyablement
 de sa force. 
  
  
  
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