LE SILENCE EST D’OR
Il est des musiques de films à ne pas mettre entre toutes les
oreilles. Faites écouter la B.O de The Pledge à un dépressif
chronique et il tentera de se suicider dans les dix minutes
qui suivent. Non pas parce que la musique du film de Sean Penn
est mauvaise au point de susciter l’envie de quitter ce monde,
mais parce que les morceaux composés par Hans Zimmer, le célèbre
compositeur de B.O. américain, et son ancien assistant Klaus
Badelt promu pour l’occasion au rang de co-pilote acoustique
sont d’une mélancolie et d’une tristesse telles qu’ils rendent
la défenestration presque souhaitable. |
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Cheveux coupés ras, rides
profondes, expression douloureuse, le visage de Jack Nicholson
qui illustre la pochette n’a rien d’engageant. Et le Cd qu’il
contient s’avère tout aussi tristounet que cette image. À
peine la touche « play » enfoncée, une voix prenante
envahit les enceintes. Une voix calme, douce, mais déchirante
comme une complainte. C’est celle d’Alison Moynihan, jeune
chanteuse non-professionnelle mais néanmoins talentueuse.
Hans Zimmer l’a choisie un peu par hasard, un peu par coup
de cœur. Alison Moynihan était la petite amie d’un des musiciens
embauchés pour mettre sur bande les compositions du duo Zimmer-Badelt.
La jeune femme errait donc dans le studio d’enregistrement
attendant son amoureux de batteur. Hans Zimmer l’a-t-il entendu
chanter ? S’est-elle proposée pour le rôle de choriste ?
On n’en sait rien et c’est bien mieux comme cela.
La prestation d’Alison Moynihan montre en tout cas combien
les castings fastidieux et les bouts d’essais à répétition
ne sont pas forcément le meilleur moyen de trouver l’interprète
idéale. Car Alison Moynihan est en tout point remarquable.
Un peu dans le rôle d’une Claire Pichet chez Yann Tiersen.
Sa voix cristalline enveloppe la quasi-totalité des quarante
minutes que dure la B.O. Parfois en sourdine, parfois au premier
plan sonore (en particulier sur les morceaux « The Angler »,
« The Wizard » et « The Pledge »), le
timbre aérien de la chanteuse américaine complète efficacement
une musique déjà très minérale.
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Pour la B.O. de The Pledge,
Hans Zimmer a en effet décidé de faire simple, bien loin de
ses productions orchestrales habituelles. Celui qui est à
l’origine de la superbe bande originale de The Thin Red
Line ou de celle non moins réussie d’Hannibal
délaisse avec le film de Sean Penn les ensembles pléthoriques
pour un groupe plus restreint. Guitare acoustique, piano,
violons et percussions : l’attirail instrumental utilisé par
Hans Zimmer et Klaus Badelt est des plus minimalistes. En
effet, les deux compositeurs ne cherchent pas à faire dans
le spectaculaire, ils souhaitent juste créer une ambiance.
La B.O. de The Pledge est ainsi construite
comme une toile surréaliste, par petites touches juxtaposées.
Les différents morceaux du disque ne sont pas des entités
linéaires. Ils sont entrecoupés de silences qui sectionnent
la mélodie en périodes musicales distinctes. Chaque période
est dominée par un instrument, ce dernier renvoyant à une
émotion précise. Les percussions soulignent par exemple l’aspect
polar du récit. The Pledge est un film policier, un
film policier certes atypique où la psychologie des personnages
prend le pas sur l’intrigue, mais un film policier quand même,
dont le scénario a pour fil conducteur la recherche d’un tueur
en série. Il est donc normal que la musique traduise sur bande
cette dimension majeure du scénario.
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