L’EROTISME VENU DU FROID
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Le cinéma scandinave est
méconnu en France, bien qu’il soit très productif et parfaitement
rentable dans ses contrées. Frank Mosvold fait donc partie
de ces auteurs que l’on découvre avec émerveillement au détour
d’un festival de courts-métrages ou par hasard dans une vidéothèque.
En effet, Eklipse Vidéo réédite en DVD les trois premiers
films du réalisateur, qui étaient déjà sortis en VHS, il y
a quelques années, sous le titre A kiss in the snow, agrémentés
du dernier opus : Summer Blues.
Force est de reconnaître que ce n’est pas l’originalité du
scénario qui fait l’intérêt d’un film de Frank Mosvold. L’histoire
est peu ou prou toujours la même : deux adolescents,
d’abord amis, voient leurs sentiments évoluer et les poussent
à une relation plus charnelle. L’auteur s’arrête cependant
toujours au seuil de cette relation, ne franchissant jamais
la limite du flirt.
Un seul de ses courts-métrages fait exception : Forsaken,
peut-être son moins réussi, tourné en langue anglaise, et
qui tente en quinze minutes de faire le parallèle entre deux
époques : deux hommes ayant vécu une histoire ensemble
dans leur jeunesse se retrouvent à la fin de leur vie, l’un
est entré dans les ordres et l’autre a complètement assumé
son homosexualité. On a du mal à croire à cette confrontation
qui, cherchant trop de sérénité, n’atteint pas la sensation
de mélancolie recherchée et se gâche une possible émotion.
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Même chose pour Paresse,
présent sur la compilation Courts mais gay Tome 3 et
qui relate la relation entre un prêtre et un ado en proie
au doute sur sa sexualité. L’abstinence ou le renoncement
semblent fasciner l’auteur, en particulier à travers la religion
qui pose une vraie alternative : soyez gays ou faites-vous
moine, mais il n’y a pas de demi-mesure !
On sent chez le cinéaste une obsession de la pureté, de l’innocence
qui se traduit par l’utilisation des paysages (neige, eaux
claires et sauvages…), et la pudeur avec laquelle il traite
son sujet.
Influencé par ce culte de la chasteté, Frank Mosvold excelle
dès qu’il s’agit de mettre en scène les non-dits, les tensions
sexuelles, l’apparition de sentiments troubles, la naissance
d’un désir incertain… Un plan, un seul et le décor est planté :
une main un peu trop nerveuse, un regard trop appuyé, pas
un mot, pas un son, l’idée est là : la cristallisation
d’une ambiguïté non formulée mais tellement plus évidente
ainsi suggérée.
D’un esthétisme à faire pâlir tous les aspirants, Summer
Blues recèle une scène d’un érotisme inouï, dans laquelle
le jeune héros effleure de la main le torse nu et offert de
son meilleur ami assoupi.
L’atmosphère grisante des paysages norvégiens accentue encore
l’effet hypnotique de cet intime poème naturaliste.
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