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La Ville Louvre (c) D.R.

Cet entretien que l’on peut découvrir suite à La ville Louvre conclut en quelque sorte le coffret : les quatre films sont tour à tour évoqués au long de 45 minutes que l’on trouverait presque trop courtes. Philibert nous expose les hasards qui l’ont conduit à la rencontre de ses sujets, sa méthode de travail  qui débouche sur une vraie philosophie du documentaire, et plus encore, du cinéma. Car Philibert fait du cinéma. Comme il l’explique, il n’illustre pas simplement une idée grâce aux images. Et l’on ressent dans chacun de ses films un appel des images. Chacune de ses œuvres est purement cinématographique : ce qu’il montre ne pourrait être dit. C’est peut-être pour cela que la parole paraît si peu présente. Lui n’intervient en tout cas que rarement. Ou plutôt, la parole est directement présente (particulièrement dans Le pays des sourds), mais il y a peu d’entretiens entre le filmeur et le filmé. Il s’instaure simplement entre eux un rapport de confiance et de découverte, et il en résulte que le documentaire qui nous est présenté fonctionne comme une fiction grâce au montage. Le César qu’il reçut cette année pour Etre et Avoir prend alors tout son sens.

Le besoin de filmer et de raconter se fait sentir, le désir d’image est là : les tableaux et les statues du Louvre, la pièce de théâtre des psychotiques, les animaux empaillés du jardin des plantes, la langue des signes : quelle langue peut être plus cinématographique que celle-ci ?

Philibert détourne chacun de ses sujets : des fous il fait des amis, du Louvre un hôpital. Le grand Louvre dans lequel chacun de nous s’est perdu, a marché pendant des heures sans se demander si la Vénus de Milo était venue à cheval ou en voiture, ou comment les toiles immenses de LeBrun, déployées sur plusieurs mètres de hauteur et de longueur avaient pu venir s’accrocher là. Loin des foules de spectateurs avides de découverte et de redécouverte avec leurs appareils en bandoulière (une photo saura-t-elle enfin briser le mystère du sourire de la Joconde ?), Philibert filme un par un les différents corps de métier et les 1200 employés qui peuplent le musée tels des fantômes. Une autre vie se dévoile alors. Le cinéaste prend le musée comme il retourne un tableau, joue avec l’endroit et l’envers : l’œuvre vue et ce qui la porte, le cadre, la toile, la matière.

  Le Pays des sourds (c) D.R.

 « Ce n’est pas un film sur l’art » nous dit le réalisateur. Il pourrait tout aussi bien dire « c’est un film sur l’artisanat ». Car c’est bien le rapport avec la matière des œuvres et de la structure qui les abrite qui l’intéresse. En témoignent les gros plans sur les mains des conservateurs qui manipulent avec attention les petits objets, sculptures, peintures, sur les restaurateurs qui appliquent avec une délicatesse extrême les feuilles d’or sur les cadres, quelques touches de peintures sur les tableaux, qui vernissent, nettoient, époussettent les œuvres. Et puis surtout les scènes sur les ouvriers chargés de déplacer les œuvres, de les suspendre au mur, de les poser sur les stèles, jusqu’à apposer les plaques descriptives à l’attention des futurs visiteurs. Ces scènes ouvrières sont peut-être les préférées de Philibert, c’est en tout cas ce que l’on peut ressentir, entre tendresse et admiration. Car le déplacement d’œuvres comme celles-ci nécessite une manipulation à la fois douce et forte, précise et sûre : les ouvriers déplacent les sculptures comme de grands malades, sanglés et portés par un engin roulant. Combien sont-ils à soutenir cette énorme toile de LeBrun, tous ensemble, guidés par une voix ? Un plan sans doute mis en scène mais étonnamment représentatif du travail de Philibert fait sortir de derrière la toile posée contre le mur chaque ouvrier ayant participé à son déplacement, un par un. Ce plan représente à la fois la face cachée du Louvre et le foisonnement de cette fourmilière.

Et qui dit fourmilière dit labyrinthe, couloirs infinis. Philibert les filme eux aussi, mais toujours en rapport avec la matière : les pas d’une conservatrice à travers ces couloirs nous renvoient l’écho du talon contre le marbre, le parquet, la moquette.