Au gigantisme des toiles
de LeBrun viennent s’opposer les tableaux de petite taille que
l’on accroche simplement au mur, mais non sans précision et
délicatesse : deux ouvriers derrière la vitre protégeant
les œuvres des spectateurs parfois irrespectueux s’entretiennent
dans un dialogue de sourds (tiens tiens !) avec les conservateurs
de l’autre côté de la vitre. Ils voient mais n’entendent pas,
nous les voyons mais ne les entendons pas. Champ et hors-champ
sont encore mis à l’épreuve dans cette scène comique :
la voix que l’on entendait et qu’ils ne comprenaient pas a disparu :
il n’y a plus qu’à déclencher l’alarme pour faire revenir le
corps qui la portait.
Ce ne sont pas les oeuvres
qui intéressent Philibert, comme ce n’est pas la folie qui
l’intéresse dans La moindre des choses, mais la vie.
C’est le rapport qu’entretiennent les gens avec ces œuvres,
avec le lieu (il filme les conservateurs, les ouvriers, mais
aussi les balayeurs, les laveurs de vitre…), mais également
la vie de ces gens au quotidien : l’essayage des uniformes
(« comment tu me trouves ? »), comme on retrouve
l’essayage des costumes dans La moindre des choses,
l’essayage des yeux en verre sur les animaux de Un animal,
des animaux…, la cantine, la salle de sport. Il observe
comment cette population fait corps avec le lieu, comment
elle l’habite loin des regards des visiteurs, jusque dans
ses actes les plus imprévus et déconcertant : un homme
et une femme tirent au pistolet en plein Louvre… Ils font
des essais d’acoustique ! Dans ce lieu de savoir et de
rationalité, le surréalisme est toujours prêt à apparaître :
une statue, simple torse sans tête ni bras, ni jambe se promène,
flottant dans les couloirs, habitant le musée, se l’appropriant.
A l’inverse, les guides et les gardiens sont transformés en
statues, immobiles. Le musée et les hommes font un.
A la vision de Etre et Avoir, on se dit que Philibert
est aussi humaniste que l’instituteur qu’il filme. Ces quatre
films nous le confirment. Philibert est ethnologue mais pas
trop, il nous laisse découvrir à notre rythme, selon notre
bon plaisir, les rapports qui unissent entre eux les êtres
et leur environnement. Ce ne sont pas les animaux empaillés
qui l’intéressent, ce sont ceux qui empaillent, ce n’est pas
la clinique qui l’intéresse, ce sont les individus qui y sont
soignés, ce n’est pas la langue des signes qui l’intéresse,
ce sont ceux qui l’utilisent. Au sein même de La ville
Louvre, Philibert désigne des individus, les met en valeur,
les rend attachants et intéressants, tant pour le travail
qu’ils effectuent que pour leur individualité, sans toutefois
idéaliser les systèmes souvent marginaux qu’il filme, que
ce soit une clinique psychiatrique, une école primaire ou
un musée.
BONUS :Programmer
le hasard, entretien avec Nicolas Philibert par Frédéric
Strauss (journaliste à Télérama), 3 courts-métrages de Nicolas
Philibert Portrait de famille, Dans la peau d’un
blaireau , La métamorphose d’un bâtiment,
ansi que les entretiens Ce qui anime le taxidermiste avec
Jack Thiney, L’invisible, entretien avec Jean Oury,
Eclats de signes, entretien avec Emmanuelle Laborit.
Titre
: Coffret 4 DVD Nicolas
Philibert Documentaire :Le
Pays des sourds, Un animal, des animaux, La Moindre
des choses, La Ville Louvre Réalisation : Nicolas
Philibert Editeur : Editions
Montparnasse Public : tous public