Cet ouvrage prend place au sein de la
collection Ciné-Regards, éditée par la Bibliothèque du Film.
On peut en indiquer, à grands traits, la ligne éditoriale :
dans un format modeste (grosso modo 250 pages), elle
propose un tour d’horizon de la vie et de l’œuvre d’un cinéaste
tout en les réinscrivant dans leurs contextes historique et
critique. Un dossier occupe le reste de l’ouvrage (critiques,
témoignages, filmographie) et un cahier-photos de quelques pages
vient compléter l’ensemble. L’entreprise a essuyé de nombreuses
critiques et il semble qu’elle touche à sa fin. L’ambition affichée
(ouverture à un public le plus large possible), il est vrai,
n’était que trop contrariée par l’indigence du format.
Le livre de Michèle Lagny
souffre évidemment des défauts inhérents à cette collection
puisqu’il en épouse parfaitement les impératifs éditoriaux.
Pourtant, par-delà les scories inévitables, le texte possède
des réelles qualités qu’il serait dommage de passer sous silence.
L’étroitesse du format
exigeant des choix, Lagny a choisi, sans surprise, de tailler
dans le sujet biographique au profit du sujet cinématographique
et historique, opérant ainsi une séparation de facto
entre l’homme et l’œuvre. Aussi, sur la petite centaine de
pages de rédaction effective, n’apprendra-t-on pas grand-chose
sur la vie de Visconti, la biographie, dans sa quotidienneté,
se limitant à quelques anecdotes éparses. On objectera que
ce n’est pas le sujet, qu’il ne s’agissait pas d’écrire la
vie de Visconti, que d’autres s’y étaient déjà essayés… Sans
doute. Reste que Lagny s’en tient à l’essentiel, ce qui lui
permet, et ce n’est pas si mal, de sauver les meubles. Elle
brosse ainsi le portrait convaincant d’un Visconti tour à
tour soldat, séducteur, aristocrate mondain, voyageur, éleveur
de chevaux, « décorateur et costumier dilettante »,
cinéaste – bien sûr.
Elle retrace également la
généalogie de chaque film du Maître, évoque par exemple ses
« années de lutte », celles de la Résistance, pendant
lesquelles ce jeune homme de bonne famille, lecteur de Gramsci,
se fit le compagnon de route des communistes. Une proximité
a priori contre-nature mais que Visconti ne reniera jamais :
vers la fin de sa vie, en 1973, il rappellera que depuis cette
époque-là, il est « resté communiste » et que ses
« idées à cet égard n’ont jamais changé ».
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