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Film politique puisque film
sur le cinéma. Godard ne filme que le cinéma. Ce n’est pas
une femme qui recherche les meurtriers de son amant disparu
que Godard filme, c’est Anna Karina jouant une femme qui recherche
les meurtriers de son amant disparu. Les flics s’appellent
Widmark, Mac Namara, Nixon. On croise David Goodis (l’écrivain
de polar le plus adapté au cinéma) et Doris Mizogushi. On
lit des exemplaires de la Série Noire en buvant des whiskys.
On visite des studios de cinéma où des images d’actrices passent
dans les bras de techniciens. Anna Karina erre parmi les signes
(« les signes parmi nous » pour reprendre un carton
fétiche du dernier Godard), à la recherche des meurtriers
de son Richard dont on n’entendra jamais le nom, toujours
recouvert par un bruit sitôt qu’il est prononcé mais dont
la voix (celle de Godard) se fera entendre d’outre-tombe sur
un magnéto à bandes Aiwa.
Clin d’œil de Godard à Malraux une fois de plus : fascination
commune pour la chose enregistrée, la permanence par-delà
l’ensevelissement de ce qui était présent et qui laisse une
trace.
Et puis il y a le plaisir du plan, de la chose filmée, de
l’impression de la pellicule couleur. Pour preuve cette scène
où Anna Karina alias Mlle Nelson retrouve la dernière maison
de Richard, aux volets bleus et au jardin fleuri, avec pour
commentaire off cette phrase : « il faisait un
temps à mettre une caméra dehors et à faire un film en couleurs ».
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Niveau méta du discours
filmique godardien qui jouit des signes, des codes du genre
polar, pour mettre en abîme son propos. Le polar comme genre
fétiche du cinéma, c’est surtout le sexe et la mort. On descend
pas mal de monde dans Made In Usa et tous désirent
sans doute en secret Anna Karina.
Elle est de tous les plans. Son visage devient une surface
érotique que l’œil investit, le spectateur occupant la place
de l’auteur-réalisateur (comme autrefois on occupait celle
de Velasquez) en état de grâce devant la beauté. Les tenues,
la déambulation, les gestes de Karina sont travaillés à un
point tel, qu’ils deviennent l’absolu du génie féminin, manifesté
dans un style. Karina dira dans son interview, que le naturel
à l’écran ça se travaille.
Film politique car Godard balance : sur la guerre d’Algérie
(appelée ici guerre du Maroc) sur l’industrie du cinéma, sur
le PCF. Karina a.k.a Nelson écoute en boucle les imprécations
de Godard a.k.a Richard sur la bande Aiwa. Tout y passe, de
St Just à Okinawa, de l’impérialisme américain à la révolution
maoïste. C’est le grand collage godardien qu’on aime tant.
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Pour nous enfants de la
post-modernité, que signifie un film pareil ? Sûrement
que vivre c’est se découvrir pris dans un devenir révolutionnaire.
Que nous sommes toujours les produits d’une époque certes,
mais que notre liberté se résume à agir sur les signes et
avec les signes. Que tourner veut dire résister. C’est la
profession de foi de Karina / Nelson qui dans la séquence
finale - un voyage en voiture avec Philippe Labro jouant son
propre rôle - explique que le fascisme est toujours à la porte
du quotidien (« la publicité est une forme de fascisme »
est-il dit dans le film). C’est bien sûr Godard qu’on
entend dans cette déclaration, cinéaste en continuelle résistance.
BONUS : la présentation
de Patrick Raynal ( Directeur de la collection " Série
noire " chez Gallimard ), l'interview d'Anna Karina,
la bande-annonce, les filmographies et la galerie de photos
et d'affiches.
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Titre : Made In USA
Réalisation :
Jean-Luc Godard
Acteurs :Anna Karina
, Marianne Faithfull , Jean-Pierre Léaud
Editeur : Studio
Canal
Collection : Serie
Noire
Qualité :
Stéréo, couleur
Durée :
85 minutes
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