Sur la couverture du très bel album consacré par N.T.Binh
et Frank Garbaz à l’histoire d’amour qu’entretient depuis
toujours Paris avec le cinéma, une Arletty accusée de vol,
perdue dans la foule du Boulevard du Crime. Abandonnée à ses
pensées, à sa mélancolie. « Paris est tout petit pour
ceux qui s’aiment d’un aussi grand amour ! »
disait-elle plus tôt dans ce grand classique de Marcel Carné
et Jacques Prévert.
Se plonger dans cet ouvrage de plus de 200 pages richement
illustrées, c’est s’abandonner à ses souvenirs de cinéma,
à ses personnages, ses répliques. L’esprit des lieux souffle
aussi bien évidemment au fil des pages. Lieux de culte (Hôtel
du Nord, le Pont Neuf), lieux réinventés (Rivette, Iosseliani),
lieux fantasmés (le Paris des Américains, de Stanley Donen
à Woody Allen). Le parti pris des deux auteurs, critiques
à « Positif », est chronologique, comme le sous-titre
l’indique.
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Paris est d’abord le lieu de la première
projection du Cinématographe par les Frères Lumière, le 28
décembre 1895, dans le salon indien du Grand Café, Boulevard
des Capucines ! Le premier chapitre évoque quelques figures
importantes des premières années du cinéma : Méliès,
dont les films fantastiques étaient tournés dans ses grands
studios de Montreuil-sous-Bois, Max Linder, et ses courts-métrages
burlesques, Louis Feuillade et ses ciné-romans policiers (Fantomas !),
et moins connus, les plans quasi-documentaires tournés par
André Antoine dans Le coupable (1917) en décors naturels
(Jardin du Luxembourg, Châtelet, Canal Saint-Martin, Invalides,
etc.). Paris muet, c’est aussi les superproductions très formalistes
d’Abel Gance (Napoléon) et Marcel L’Herbier (L’argent,
d’après Zola), et les premiers films de René Clair :
quel cinéphile ne garde pas en mémoire les lieux les plus
célèbres de Paris soudain désertés dans Paris qui dort,
racontant les méfaits d’un savant fou endormant la ville de
son « rayon diabolique »…
René Clair est l’un des principaux cinéastes
qui assurent le passage du cinéma français au parlant. Et
Paris se retrouve une fois de plus au centre de son cinéma,
et d’une trilogie mémorable (Sous les toits de Paris,
Le million, Quatorze juillet). Paris en studio
est plus vrai que nature grâce aux décors de Lazare Meerson.
C’est le début du « réalisme poétique », genre cinématographique
parisien par excellence. Et les images de défiler… Michel
Simon dans L’Atatante, La Chienne, et Boudu sauvé
des eaux, les classiques de Jean Renoir (Le crime de
Monsieur Lange), Julien Duvivier (La tête d’un
homme, La belle équipe) et Marcel Carné (Hôtel du Nord,
Jenny, Drôle de drame, etc), le Paris mondain
et fantaisiste de Sacha Guitry (Bonne Chance !,
Ils étaient 9 célibataires).
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