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The Kid (c) D.R. DVD

The Kid / Le Gosse
de Charles Chaplin
Par Nadia MEFLAH


SYNOPSIS : Quittée par l'homme qui l'avait séduite, une jeune femme abandonne son petit garçon dans une voiture, en espérant qu'il sera recueilli par une famille fortunée. Mais la voiture est volée et l'enfant échoue dans un quartier pauvre de la ville. C'est là qu'un vagabond le découvre...

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PATER DOLOROSA

En 2003, grâce aux efforts conjugués de la famille Chaplin avec son Association Chaplin, au groupe MK2, à la Warner, il est possible pour tout un chacun de vérifier la conscience d’une vie en cinéma. Si Chaplin a pu vivre grâce au cinéma et en cinéma, nous devons en grande partie nos larmes, nos élans, nos espoirs, nos vies à Chaplin.

Lorsqu’il démarre le 21 juillet 1919 le tournage de son 68ème film, Chaplin était sous contrat (élaboré par son frère Sydney, -1) depuis 2 ans avec la First National qui lui garantissait une liberté quasi totale. De plus, il tournait dans son propre studio qu’il avait fait construire, en trois mois en 1917, à l’angle de Sunset Boulevard et de l’avenue La Brea, ce studio au style cottage anglo-saxon comprenant des plateaux à ciel ouvert et la fameuse rue à angle T.

Lorsqu’il auditionne des bébés pour ce qui deviendra l’un de ses plus grands films, Charles Chaplin venait d’enterrer son premier enfant, décédé le 10 juillet 1919. Seulement dix jours séparent l’enterrement du début de production du Kid. Chaplin vivait depuis quelques mois une grave crise, à la fois conjugale avec son épouse Mildred Harris, et créatrice. Tout le mois de juin, il fit des tentatives de bouts d’essais avec 5 jeunes enfants pour un film intitulé Charlie’s Picnic. Sans succès. Il récidive à filmer, même n’importe quoi, obligeant son chauffeur Kono à conduire la voiture, avec à l’intérieur Alf Reeves son producteur. Ça ne fonctionne pas. Chaplin vivait une impasse créative.

  The Kid (c) D.R.
Nul spectateur jusqu’à aujourd’hui (grâce au bonus DVD) ne savait cela en regardant le Kid, il pouvait seulement ressentir la violence de la perte. De la mère, de l’enfant, du père. Ce spectateur de cinéma, ou de télévision, au temps déjà perdu du magnétoscope, pouvait comprendre (et vivre aussi) ces vraies larmes vraies qui brillent sur ses grands yeux ronds qui nous fixent, lorsque la Loi (scène avec le médecin et le policier) vient lui retirer son enfant. De savoir que le cinéaste a tourné son film juste après la mort de son enfant ne nous apprend que cela : le cinéma fut de tout temps pour Chaplin un acte de survie. Qu’il n’a eu cesse de nous raconter cela, une histoire pathétique, presque vulgaire même dans l’ostentation de sa sentimentalité. Mais de ce bas régime des émotions (du ventre en première ligne), de ce maelström d’affects, dont nul ne doit avoir peur, Chaplin les subsume. Il retourne son spectateur comme une crêpe, comme ce pancake que son chiard de Jackie Cogan manie avec la dextérité d’un chef haute couture.

C’est peut-être parce que Jackie Cogan était comme lui un enfant de la balle que Charles Chaplin l’a choisi parmi tant d’autres, lorsqu’il le remarqua un soir, au music-hall lors d’une scène de ragtime et d’imitation. Chaplin avait trouvé son acteur. Il se met au travail avec sa très jeune recrue (4 ans !) le 30 juillet sur The Waif (l’enfant abandonné) qui deviendra ensuite The Kid. Chaplin, comme d’habitude, filme dans la continuité (rêve de tout cinéaste quasi impossible, hélas). Alors que la First National s’impatiente, Chaplin a eu la bonne idée d’exploiter les rushes de Charlie’s Picnic pour tourner en 7 jours Une Journée de plaisir, réjouissante satire du loisir bourgeois d’une sortie familiale un jour chômé (voiture récalcitrante, retard, problème d’espace et de confort, mal de mer, musique assourdissante, scène de jalousie, embouteillage monstrueux, flic mal luné, goudron, amende etc.)