PIERRE RICHARD, ou la mélancolie
du burlesque
A l’affiche d’un spectacle très personnel, Détournement
de mémoire au Théâtre du Rond-Point, il sort aussi un
livre, Comme un poisson sans eau, aux éditions du Cherche-Midi.
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Pourquoi se piquerait-on aujourd’hui
d’aller voir Détournement de mémoire, le spectacle
de Pierre Richard au théâtre du Rond-Point ? Parce que
c’est lui, répondra t-on. Lui, Pierre Richard, héros
burlesque de nos enfances, vécues ou rêvées. Lui, qui, à l’instar
d’un Pierre Etaix, descend de Keaton, de Tati ou mieux encore
de Harpo, le frère Marx lunaire, comme le type lambda descendrait
du singe. Une évidence que peu de gens ont reconnu, finalement,
ne voyant en lui qu’un grand dadais maladroit, personnage
principal de « comédies faciles ». Malentendu étrange.
Pierre Richard appartient au contraire au monde des poètes,
il a créé en une quinzaine de films un univers qui lui est
entièrement propre. A travers ses propres réalisations (Le
distrait, Les malheurs d’Alfred, etc ), celles
d’Yves Robert (Le grand blond avec une chaussure noire)
et de Francis Veber (La chèvre, Les compères, Les fugitifs,
sans oublier Le jouet, un très grand film, cruel et
fantaisiste), il invente une déconstruction du geste, une
démarche singulière, une mécanique du gag engendrée le plus
souvent par la distraction. Partant d’une situation ordinaire,
il transcende le quotidien. « Etre un héros de film
burlesque, c’est trouver sa majuscule à l’ordinaire »
dit-il lui-même.
Assister à une représentation de Détournement de mémoire,
c’est d’abord revisiter sa propre mémoire d’enfant. Dans la
petite salle Jean Tardieu, lorsque la lumière s’allume après
quelques secondes dans le noir, et qu’apparaît sur scène Pierre
Richard, c’est d’abord un corps mythique du cinéma français
qui prend réalité. L’émotion toute simple de la découverte
de ses films à la télévision ou au cinéma de notre enfance
revient soudain en nous. Comme si La rose pourpre du Caire
de Woody Allen se mêlait au goût d’une madeleine de Proust.
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