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Bizarrement, au cours de ce spectacle,
ce n’est pas tant le Pierre Richard se cassant la gueule sur
une chaise ou laissant malencontreusement échapper une carafe,
qui nous sensibilise, mais simplement le plaisir des retrouvailles,
celui de revoir un ami dont on ne connaît, au fond, que l’image,
que l’apparence. Et il suffit de l’observer en silence, ce
grand blond-là, chemise blanche, pantalon noir qui descend
malencontreusement, parlant avec les mains, s’asseyant, se
relevant, s’emparant des moindres recoins du plateau, rampant
pour évoquer le souvenir hilarant d’une représentation de
Macbeth au TNP de Jean Vilar, pour que l’on affiche aussitôt
une mine de plaisir. Pierre Richard se suffit presque à lui-même,
c’est un corps immensément burlesque. Prenez ses « démarrages »
par exemple, regardez bien la rapidité avec laquelle il se
lève pour arpenter la scène : quel autre acteur français
peut-il déclencher l’hilarité rien qu’en se levant ?
C’est d’ailleurs là qu’intervient une question fondamentale :
celle de la différence entre l’acteur et son personnage. Le
spectacle Détournement de mémoire y répond en partie
tout en brouillant les pistes, Pierre Richard détricotant
le fil de ses souvenirs personnels tout en interprétant un
personnage burlesque qui lui ressemble comme deux gouttes
d’eau. Cette gestuelle simple et complexe qui nous fascine
tant, c’est autant celle de Pierre Richard, homme, acteur
sur scène dans un exercice sans filet de nudité d’âme que
celle de tous ses personnages réunis en un.
Détournement de mémoire est une adaptation de Comme
un poisson sans eau, un livre de mémoires sorti en octobre
2003 aux éditions du Cherche-Midi. Il s’agit pour Pierre Richard
dans les deux cas de transcender l’anecdote, de la relater
tout en faisant une saynète le plus souvent très drôle (pour
le spectacle) ou un chapitre littéraire et poétique (pour
le livre), le récit constituant à chaque fois un véritable
film court imaginaire. Au cœur des mémoires de l’artiste,
la difficulté de ne pas soutenir le regard devant la nudité
de Mireille Darc (j’étais à 75 centimètres du bonheur),
la rigolade devant la mauvaise foi du garnement Bernard Blier
sur le tournage du Distrait, la confusion des vrais
et faux pompiers sur le plateau de La carapate, l’attitude
déconcertante d’un taulard au cours du même tournage (J’aimerai
pas être à votre place !) et la nostalgie des amis
disparus (Carmet, Blier…). Au bout du compte, près d’une vingtaine
de chapitres pour une belle vie de cinéma et 80 minutes de
présence sur scène…avant une fin magnifique : Pierre
Richard revient alors sur ceux qui l’ont poussé à devenir
acteur. Et de citer les grands burlesques du cinéma (Keaton,
Tati, Jerry Lewis…), sans se douter que peut-être, certains
jeunes acteurs d’aujourd’hui ont voulu un jour rejoindre l’écran
et, à son image, « toucher cette expérience commune
de la douleur du monde dans un éclat de rire, comme ultime
élégance ». C’est parce qu’il a provoqué un jour
le rire dans le secret de nos enfances que Pierre Richard,
le burlesque, a rejoint aussi nos mélancolies. C’est pourquoi
il nous touche, définitivement.
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Titre de la pièce : Détournement
de mémoire
De : Christophe
Duthuron et Pierre Richard
Avec : Pierre
Richard
Lumière : Julien
Simon
Musique : Christophe
et Olivier Defays
Régie : Sean
Seago
D’après le livre : Comme un poisson sans eau
De : Pierre Richard
Editeur : éditions
du Cherche-Midi
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Théâtre du Rond-Point
2 bis, av Franklin Roosevelt 75008 Paris
Du 23/01/2004 au 29/02/2004
Accueil : 01 44 95 98 00
Réservation abonnés & adhérents : 01
44 95 98 21
Fnac pour le théâtre du rond-point : 0
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Site : http://www.theatredurondpoint.fr
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