Comme le précise Patrice Rollet dans
l’analyse incluse dans les bonus, chacun des trois films commence
et est mené par des figures féminines : Irina et Alice
dans Laféline, Cloclo et Kiki dans L’homme
léopard, Betsy et sa patiente dans Vaudou. Toutes
entretiennent une rivalité tout autant qu’un mimétisme, une
ressemblance comme une dissemblance, où l’une des deux porte
en elle une charge fantastique alors que la seconde est ancrée
dans une réalité terre à terre. On se surprend alors à penser
à un autre grand film : Persona de Ingmar Bergman,
tourné en 1966, qui semble être un double presque trop évident
de Vaudou, tant il reprend les thèmes essentiels. Le
mutisme de la patiente recluse sur une île, la fascination
de l’infirmière pour sa malade, le jeu sur le mimétisme entre
les deux femmes, l’aspect fantasmatique de l’ensemble. Le
film de Tourneur est évidemment agrémenté d’une dimension
divertissante hollywoodienne sans en perdre pour autant son
aura poétique. Sans doute est-ce dans ce film que la touche
européenne du réalisateur se fait le plus sentir, car il s’en
dégage des effluves mélancoliques d’un surnaturel subtil que
l’on retrouve plus aisément dans les films de Georges
Franju comme Les yeux sans visage, que dans les traditionnels
« Horror films » américains.
Le plus grand mystère pour Jacques Tourneur se révèle être,
à la lumière de ces trois films, la femme, et plus particulièrement
les femmes entre elles, la faculté d’entretenir à la fois
de l’amour et de la haine, le lien invisible qui les unit
tout en les séparant.
La trilogie, si elle fonctionne sur
des régimes différents (fantastique, film noir, film mystique)
apparaît réellement cohérente dans ses choix esthétiques et
idéologiques. Tout ce qui préoccupe Tourneur est de rapprocher
les corps et les visages et de filmer tous leurs modes d’expression :
marche, danse, nage, peur, terreur, bonheur. En abordant toutes
les croyances qui nous habitent malgré nous (vaudou, homme-léopard,
femme-panthère), Tourneur a plus travaillé sur l’humain que
sur son contraire.
Afin de mettre en lumière l’œuvre de Jacques Tourneur et Val
Lewton, les éditions Montparnasse ont fait appel à plusieurs
spécialistes : l’intarissable Patrick Brion nous parle
de Val Lewton, Patrice Rollet analyse L’homme léopard,
Jean-Claude Biette nous donne sa vision de Jacques Tourneur,
et la cinéaste Marina de Van discourt sur La féline.
Entre histoire et visions personnelles, ces riches bonus ont
le mérite d’exister mais ont le défaut d’apparaître toujours
un peu artisanaux : les entretiens sont filmés dans des
décors peu agréables à l’œil, et ne sont agrémentés d’aucune
image, se contentant de simples raccords dans l’axe. L’image
serait presque de trop dans ces entretiens qui pourraient
tout aussi bien être radiophoniques. Il reste une petite étape
à franchir aux éditions Montparnasse avant d’atteindre la
perfection.
Titres
: La Féline / Vaudou / L'Homme léopard Réalisateurs : Jacques
Tourneur Acteurs : Ntom Conway,
Simone Simon, Kent Smith Éditeur : Éditions
Montparnasse Présentation : Coffret Format image : Full
Screen (Standard) - 1.33:1: Zone : Zone 2 Langues et formats sonores
: Anglais (Dolby Digital 5.1), Anglais (Dolby
Digital 2.0 Mono) Sous-titres : Français