Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
  L'Homme Léopard (c) D.R.
Car le thème principal de ces trois films que l’on appelle un peu vite fantastiques est bien le rapport entre les êtres. Les personnages ont tous en eux une peur qui les empêche de se rapprocher de l’autre, qui fait que la présence de l’autre est dangereuse pour tous.

Dans La féline, la jolie Irina vit dans l’angoisse perpétuelle de faire du mal à son mari si celui-ci s’approche d’elle trop intimement. Les deux personnages sont constamment séparés, volontairement ou forcés. Elle s’enferme dans sa chambre, lui tambourine à la porte : chacun d’un côté de la cloison touche l’autre virtuellement, s’enfermant dans une solitude incomparable : si proche et pourtant inaccessible.

Les personnages de Tourneur sont toujours complexes, vivant dans un éternel paradoxe, entre attirance et répulsion, fascination et terreur pour l’inconnu. La première rencontre entre la jeune infirmière et sa patiente dans Vaudou en est l’exemple le plus retentissant : alarmée par des pleurs en pleine nuit, la jeune femme attirée par le bruit reste paralysée devant l’image fantomatique qui s’offre à elle, vision magnifique et pourtant angoissante. Tourneur joue sur l’éternelle inquiétante étrangeté qui fait de l’Autre un ami tout autant qu’un ennemi. Ainsi dans L’homme léopard, la jeune chanteuse terrorisée par la bête qu’on lui présente accepte de parader avec un léopard en laisse. La joueuse de castagnettes, elle aussi impressionnée, voudra dépasser son appréhension en intimidant l’animal. Dans La féline, Irina, malgré sa peur ancestrale libèrera la panthère de sa cage.

Vaudou (c) D.R.
Si la peur fait partie intégrante de ces trois films de Tourneur, le but est toujours de s’en affranchir. Les personnages voudront constamment rationaliser ce qui ne peut l’être, comme ils voudront apprivoiser un animal sauvage. Morte de peur, la jeune femme amoureuse en secret du mari de sa rivale dans La féline ne voudra pas qu’on la raccompagne, préférant rentrer seule dans le noir, à ses risques et périls. Il en est de même pour la joueuse de castagnettes dans L’homme léopard qui, après s’être hâté de rentrer chez elle, prend le risque de ressortir afin de retrouver l’argent qu’elle a perdu. Les personnages apprendront que le danger n’est jamais évitable, car tout, chez Tourneur, est question de destin : malgré ses efforts, Irina se transformera en panthère ; dans L’homme léopard, Cloclo a beau se faire tirer les cartes encore et encore, la mort apparaît inlassablement ; la maladie de la femme zombie dans Vaudou semble être incurable et même surnaturelle.

Les ingrédients des films de Tourneur sont simples : des corps et de la lumière. Jamais l’absence de décor ne fut plus flagrante. Les formes se font et se défont au gré des ombres menaçantes. Les personnages cherchent désespérément à entrer dans la lumière, comme si celle-ci était protectrice, comme si le véritable danger était l’ombre, et non ceux qui l’habitent. La lumière forme autant que l’ombre informe. Deux régimes de représentation s’opposent : le palpable et l’évanescent, le réel et le fantasmé. A la lumière du jour, le léopard révèle un homme, le zombie une femme malade, la panthère une jeune femme.