Un passeur, cela ressort de l’étique
du critique, et selon Serge Daney, autre homme de l’ancienne
maison Cahiers du Cinéma, être ce quelqu’un qui reçoit
dans ses mains un secret, un monde à passer, à transmettre et
puis s’en va. Comme ça, dans une humilité splendide. Un passeur
d’humanité, un geste de la main qui s’ouvre. Donc l’homme Eastwood
est ce passeur à Hollywood et non d’Hollywood. S’il donne à
voir, ce n’est pas le monde d’Hollywood même s’il n’y pas plus
américain que lui comme cinéaste. Qui a su créer une œuvre à
la fois maniériste et classique, border line et ultra commerciale,
travaillant tous les genres, du burlesque au western, de la
science-fiction au film noir, du mélodrame au polar, du musical
à la terreur. Un migrant à l’intérieur du système, qui sait
tracer une ligne, sillonnant son pays à la manière d’un entomologiste
patient et régulier (un film en moyenne tous les deux ans, voire
plus) et qui au bout de quarante années de création cinématographique
et audiovisuelle (avec Spielberg notamment qui écrit et produit
en 1985 Vanessa in the Garden, une rareté) acquière le
statut de passeur. Quelque qui ne ferait que passer, cheminant
et traversant notre monde, un pilote de ligne qui a su bâtir
une fortune et une célébrité constante. L’unique cinéaste américain
sachant se faire réunir dans une salle de cinéma les fans de
Rivette et de Kiarostami tout comme les mordus de Scary movies
3 et autres galipettes consuméristes. Le succès de son dernier
opus Mystic River, témoigne de la permanence en France
d’un véritable culte populaire et cinéphile autour de son œuvre.
Ce livre (la couleur est aussi
rentrée dans les pages, avec une iconographie du tout cadre
plein, transformant le livre en un magazine à feuilleter…)
retrace le parcours des origines du comédien à la fabrique de
chaque film avec une description du scénarii, une analyse et
un chapitrage thématique qui prend l’homme comme cœur de cible
(l’homme-objet, l’homme-flic, l’homme-clown etc.) La filmographie
laisse à désirer, ne s’attardant que sur les films réalisés
par Clint Eastwood (il a pourtant été acteur et producteur de
nombreux films !) et négligeant d’indiquer le distributeur,
les sorties (mondiales et françaises) en outre aucune bibliographie
n’est proposée.
Il n’en reste pas mois que cet ouvrage
à la lecture aisée, sachant marier l’étude critique à l’histoire
des faits (la production, le contexte social et culturel, la
vie du cinéaste-producteur-comédien) demeure indispensable pour
tout bon eastwoodien qui se respecte. L’auteur manie avec une
certaine élégance le récit d’une vie à une étude fine de son
œuvre cinématographique, et qui parfois reste au bord de l’analyse,
frustrant, à certains passages, le lecteur d’un point de vue
plus pointu et pertinent.
Noël Simsolo dédie son livre au cinéaste français Alain Corneau
Noël Simsolo est
historien du cinéma, scénariste, comédien, cinéaste
et romancier. Il est l’auteur de nombreux ouvrages
de cinéma, parmi lesquels Alfred Hitchcock,
Le Monde de Jerry Lewis, Fritz Lang, Howard Hawks,
Sacha Guitry, Conversation avec Sergio Leone, Il
était une fois SamuelFuller
Titre : Clint Eastwood - Un passeur à Hollywood Auteur : Noël Simsolo Editeur : Les Cahiers
du Cinéma