DVD De l’eau tiède sous un pont rouge
De Shohei Imamura
Par
Nadia MEFLAH
SYNOPSIS :
L’histoire est celle de Yosuke, cadre d’une quarantaine d’années
au chômage, que sa femme vient de quitter. Sur les conseils
d’un vagabond, il se lance à la recherche d’un trésor caché
dans un village de pêcheurs… En effet, là-bas, dans une maison
près d’un pont rouge, se trouverait une jarre recelant une statue
de Bouddha en or, volée dans un temple à Kyoto par ce vieux
vagabond. Yosuke ne trouve pas la jarre, mais rencontre une
femme qui va lui faire découvrir un autre trésor, le secret
de son pouvoir : faire éclore les fleurs en toutes saisons,
ou remonter des bancs de poissons grâce à l’eau qu’elle sécrète
quand elle éprouve un désir charnel. Il va ainsi retrouver sa
vitalité…
« Fuck me ! », oules
dernières paroles du dernier film de Stanley Kubrick, Eyes
Wide Shut (1999). Ce « baise-moi » de la femme
fantasmée adultère adressé à l’homme impuissant (de l’ex-épouse
Kidman au mari Cruise.. ) sonne encore comme une violence
vitale absolue. Ce sont surtout les mots émouvants d’un cinéaste
âgé qui en avait vu d’autres. La boucle est bouclée, et c’est
de cette évidence de vie dont nous parle un autre homme d’un
certain âge, Shohei Imamura, 75 ans en ce troisième millénaire.
Le bonheur que nous procure son dernier film De l’eau tiède
sous un pont rouge vient de cette jouissance de la vie
à vivre, ici et maintenant, distillée par le récit, tel un
ruban non de rêve (le cinéma de Welles) mais d’eau, de souffle,
de fleurs épanouies et de mots cachés. Car il s’agit bien
pour notre homme Yosuke (impeccable Koji Yakusho, acteur de
L’anguille d’Imamura, de quatre films de Kiyoshi Kurosawa
et de Eureka d’Aoyama) d’enrouler tous ces indices,
signes et formes parsemés sur son chemin afin d’atteindre
sa plénitude. Il y a d’abord les paroles de son vieil ami
Taro (Kazuo Kitamura, acteur fétiche du cinéaste), clochard
illuminé aux lectures d’Ovide avec ces sentences érotiques :
« La vie vaut d’être vécu tant qu’on bande ! Être
lubrique et se noyer dans les bras d’une femme ! »
Premier gouvernant d’un Yosuke désemparé, Taro vit entouré
de livre épars au sol, au bord du fleuve et il aime à raconter
la vie, tel un éclaireur philosophe. Il offre à son jeune
disciple désorienté (le travail manque, sa femme demande le
divorce, son fils vit loin de lui ) un conte avec un rébus
à déchiffrer et lui promet la découverte d’un trésor en guise
de récompense. Le cinéaste va malicieusement offrir à notre
héros mutique, différents passeurs qui vont lentement et sûrement
le guider sur le chemin de la vie. Taro est celui qui permet
que s’enclenche la logique de désir de narration. D’ailleurs,
le générique et le titre du film s’affichent bien après ce
prologue. C’est lorsque Yosuke part pour le village où se
niche la jarre secrète que va s’exercer notre vigilance, car
comme lui, nous sommes à l’affût, en attente enchantée. La
musique de Shinichiro Ikebe sait se faire mutine et légère,
ondoyante comme les poissons argentés, et sonnante à chaque
nouvelle étape franchie par notre voyageur.