Le voilà donc arrivé à bon port et
le trésor enfoui sera non pas d’or mais d’eau. D’une femme.
Saeko sera sa deuxième gouvernante, la plus puissante et la
plus énigmatique pour l’homme, car elle l’inonde littéralement.
Comment rendre compte de ce sentiment d’évidence et de suprême
liberté que nous expose Imamura avec ce récit, où une femme
asperge d’eau son amant au plus fort de sa jouissance, si
ce n’est à écrire platement les faits ? Elle mouille
non pas d’envie, mais de vie. Et généreuse, elle enveloppe
de ses eaux matricielles Yosuke, où l’arc-en ciel scintille
sur ces miroitements de flaques et de mares. Où les poissons
rebroussent chemin jusqu’aux pêcheurs, bonhommes retraités,
à leur plus grand bonheur ! D’autres personnages entourent
notre héros, certains pour lui donner du travail (pêcheur
de poissons sur un cargo), d’autres un toit, lui donner à
réfléchir mais aussi et surtout à courir toujours à l’appel
de la belle Saeko et se laisser se noyer dans ses flots. Alors
il court, il court le furet vers sa femelle, mais seulement
voilà, la femme, c’est aussi celle qui nous relie à la terre
et à l’univers. Au plus profond des bassins scientifiques
où des ingénieurs en blouses blanches étudient des particules
bleutées, flottant dans une eau si pure qu’elle en est imbuvable
(saveurs des mouillures féminines…) Il y a cette terre brûlée
d’Hiroshima (mémoire traumatique de sa tante muette et de
Taro, mais aussi de sa mère). Elle revient dans nos consciences
en une séquence noire fumée où la jeune Saeko voit la mort
de sa mère noyée par les flots du bassin, vestige de la pollution
nucléaire.
La littéralité du récit filmique fait
de chaque spectatrice et spectateur un voyeur vigilant et
dans le même mouvement, libertin. À chacune et chacun de nous
de choisir nos symboles et interprétations chamanistes, car
après tout, dire que l’eau d’une femme c‘est la vie, et que
tout homme désire s’y noyer et régresser tel un fœtus énorme,
peut paraître emphatique, non ? Oui, mais ce qui
se trame en fin de compte (avant tout…) sous nos yeux est
une histoire de lien : d’un homme, à ce qu’il peut vivre,
et désirer vivre. Quelle peut-être sa place et sa légitimité
auprès d’une femme lorsque celle-ci devient, dirons-nous,
moins énigmatique? Saeko a de moins en moins d’eau et c’est
le signe d’une guérison tant attendue. Pas pour l’homme, titillé
dans ses fantasmes. Inquiétude masculine qui se traduit par
une impuissance virile momentanée Ce sera l’ultime obstacle
à surmonter pour Yosuke afin de devenir un homme libre.
Titre : De l’eau tiède sous un pont rouge Titre japonais : Akai
hashi noshitano nurui mizu Réalisateur : Shohei
Imamura Interprètes :
Koji Yakusho , Misa Shimizu , Mitsuko Baisho
, Mansaku Fuwa Scénario : Motofumi
Tomikawa, Daisuke Tengan, Shohei Imamura Photo : Shigeru Komatsubara Lumière : Hideaki
Yamakawa Musique : Shinichiro
Ikebe Montage : Hajime Okayasu Festival : Compétition
Officielle Cannes 2001 Format : Zone
2, Pal, format 1.85, couleur, son Stéréo Editeur : Editions
Montparnasse Durée du film :
115 minutes Langues : VOST
Shohei Imamura
est né à Tokyo le 15 septembre 1926 d’un père
médecin. En 1951, après s’être consacré pendant
6 ans à l’histoire occidentale, il s’occupe du
théâtre universitaire où il monte des pièces qu’il
écrit lui-même et dans lesquelles il fera jouer
Shoichi Ozawa, Kazuo Kitamura et Takeshi Kato,
acteurs de prédilections que l’on retrouvera dans
ses futurs films. En 1965, il créer sa propre
société IMAMURA PRODUCTION, qui est l’une des
premières à produire des films indépendants au
Japon. En 1975, il fonde « L’Institut de
Cinéma et de Télévision » à Kawasaki. Aujourd’hui,
Shohei Imamura préside toujours cet institut qui
est devenu « L’Académie Japonaise des Arts
Visuels ».
Il reste le seul réalisateur japonais à avoir
remporté la Palme d'or - et à deux reprises !
La première fois en 1983, pour La Ballade de
Narayama; la seconde en 1997 avec L'Anguille.
En 1989, Pluie noire a remporté le grand
prix de la CST. Il a aussi été sélectionné en
1987 pour Zegen et en 1998 pour Kanzo
Sensei.
Les comédiens
Koji Yakusho
fait ses débuts dans Tampopo de Juzo ITAMI
en 1986, mais c'est le succès japonais et international
de Shall We Dance ? qui fait de
lui une star, dix ans plus tard. Il travaille
trois fois avec Masato Harada sur Kamikaze
Taxi (1995), Leaving (1997), et Spellbound
(1997) et quatre fois avec Kiyoshi Kurosawa sur
Cure (1997), License to Live (1998),
Charisma (1999), et Kairo (2000).
De l'eau… marque sa deuxième collaboration
avec Shohei Imamura après avoir interprété le
rôle principal de L'Anguille.
Né en 1970 à Tokyo, Misa Shimizu a déjà travaillé
deux fois avec Shohei Imamura et Koji Yakusho.
Avec le premier, elle a joué dans L'Anguille
et Kanzo Sensei (1998); avec le second
dans Shall We Dance ?.