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Tristan
représente dans l’œuvre de Philippe Harel, cinéaste éclectique
s’il en est et véritable auteur, le baptême du film de genre,
à savoir un bon vieux polar, le film de genre par excellence.
Ou encore, comme le dit le producteur, le passage de la
chronique au récit. Le film a donc un peu valeur de test
et ne se départ pas d’un côté « exercice de style »,
respectueux des codes, ficelles et conventions du genre.
Reste à savoir si l’exercice a été réussi. Or de ce côté-là,
on doit reconnaître que c’est plutôt le cas et que ce Tristan
tient fort bien la route. On sent que Harel et son scénariste,
Olivier Dazat, se sont attachés à jouer le jeu à fond, semant
fausses pistes, rebondissements et même une surprise finale
à la Usual Suspect. Le récit est solidement charpenté,
rondement mené, très bien joué (Mathilde Seigner est vraiment
formidable), et l’ensemble se laisse suivre fort agréablement.
En revanche, on s ‘avoue moins convaincu par une résolution
finale de l’intrigue trop vite expédiée et par le caractère
artificiel de cette intrigue policière sur fond de milieu
littéraire. Cela donne au film un caractère un peu désuet,
très français, non sans charme, renforcé par une mise en
scène plate et sans éclat, digne du premier téléfilm venu
du jeudi soir.
Mais, évidemment, l’enjeu et l’intérêt du film ne se situent
pas là et Tristan est un polar en trompe l’œil. En
vérité, dans la lignée des romans de Michel Houellebecq,
dont il a adapté Extension du domaine de la lutte,
Harel poursuit son évocation désenchantée du monde (post)moderne,
marqué par une certaine aliénation (ah ! le mobilier
Ikéa qui orne l’appartement HLM du collègue flic de Mathilde
Seigner, joué par Jean-Jacques Vannier) ou plus encore par
la dureté et la froideur des rapports sociaux, plus particulièrement
des rapports hommes-femmes. Car tel est bien le sujet profond
du film, qui, derrière l’héroïne, dresse en réalité un portrait
de l’homme moderne en homme fatigué, fragile, dépressif,
malmené par les femmes.