Tous les films de Tarantino possèdent
cette même propension à se révéler de plus en plus réjouissant
au fur et à mesure qu’ils se dévoilent. Dans Kill Bill,
plus l’intrigue progresse, plus elle gagne en profondeur.
Il en est de même pour les personnages qui, pris au piège
d’un engrenage de vengeance et de violence délétères, sont
tous profondément ambigus et transcendent le clivage manichéen
usuel (le bon contre le méchant) imposé par le genre. Tous
ancrés dans une dimension plus tragique qu’archétypale, ils
sont magnifiés par une interprétation d’exception : Uma Thurman
excelle dans ce personnage de mariée sans nom (au propre comme
au figuré), dont on ignore le passé et qui tente de masquer
son humanité sous sa brutalité. Malgré des flash-back explicatifs,
un mystère est entretenu tout le long pour que nous n’en sachions
pas plus avant le prochain épisode. Lucy Liu s’illustre avec
un brio hors pair dans un rôle délicieusement déjanté dont
le passé est mis en image en animation. Même lorsqu’elle est
au second plan, on ne voit qu’elle. Chiaki Kuriyama, la jeune
rebelle dont on avait capté toute la puissance démoniaque
dans Battle Royale ne fait que confirmer sa prédilection
pour les rôles de folles furieuses.
A l’instar de Pam Grier dans Jackie Brown, Sonny Chiba,
maître du cinéma kung-fu dans les années 70, fait son come-back
après des années d’absence et apparaît ici dans une scène
d’anthologie où il se dispute à coup d’injonctions avec son
camarade, trop occupé à regarder ses feuilletons, pour servir
un saké convenable à sa cliente. Son personnage possède un
rôle important qui ne révèle pas de l’incidence : c’est sur
lui que repose la morale du film et qui, par ce qu’il évoque,
montre le respect de Tarantino pour le cinéma qu’il a tant
affectionné. Kill Bill est un film fantasmé et ressemble
un peu à un rêve de gosse. Dans le fond, c’est celui que tout
cinéphile désirerait mettre en scène un jour, avec casting
idéal, références débordantes et coudées franches. Tarantino
l’a fait présentement, et c’est ce qui rend son film encore
plus formidable.
A tous les égards, Kill Bill bénéficie
de cette liberté de ton et se révèle aussi violent que délibérément
gore. Il est d’ailleurs étonnant qu’un film de ce calibre
soit toléré par Miramax, spécialiste du remontage et de la
censure. Sans doute les producteurs ont été rassurés par les
précédents succès du cinéaste et lui ont ainsi donné carte
blanche à la fois dans le fond et la forme. De la même façon,
les choix musicaux particulièrement brillants sont exemplaires
de la détermination du cinéaste à imposer un univers, un sens
et un dynamisme.
Si Sam Peckinpah et Sergio Leone étaient toujours vivants,
ils auraient certainement aimé (ou fait) ce film. En tous
les cas, ils en seraient fiers. Cela relève de l’euphémisme
de dire que le film était attendu, de même que de confesser
qu’il est très réussi. On peut le prendre comme on veut :
une déclinaison facétieuse de Lady Snowblood, un hommage
vibrant au cinéma bis, une déclaration d’amour au cinéma ;
mais de toutes les façons, il demeure un chef-d'oeuvre
limpide, fabuleux, extravagant, jubilatoire, viscéral,
fou et immensément grand. En un mot : parfait.
BONUS :
Sur le premier DVD on peu y voir le film tandis que sur le
second le Making Of, The 5,6,7,8's en concert (6 min - séquence
musicale du groupe rock japonais), les bandes-annonces de
Kill Bill vol. 1 et 2 et la galerie de photos.
Titre :
Kill Bill : volume 1 Réalisateur : Quentin
Tarantino Réalisateur de 2nd équipe
: Yuen Woo Ping Acteurs : Uma Thurman,
Lucy Liu, David Carradine , Michael Madsen,
Daryl Hannah , Vivica A. Fox , Julie Dreyfus
, Chiaki Kuriyama , Gordon Liu, Michael Parks,
Sonny Chiba Producteurs exécutifs
: Bob Weinstein, Harvey Weinstein, Erica Steinberg Producteur : Lawrence
Bender Production : Miramax
Films, A Band Apart Éditeur : TF1 Vidéo Présentation : Snap
Case Langues et formats sonores : Français (DTS), Français (Dolby Digital 5.1),
Anglais (DTS), Anglais (Dolby Digital 5.1) Sous-titres : Français Zone : Zone 2 Durée : 1h 52mn Pays : USA Année : 2002