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Kill Bill (c) D.R.
Une nouvelle fois, Tarantino instille un univers personnel et unique, en évitant le rébarbatif exercice de style conjugué à la première personne. Comme toujours, il aime ses personnages et surtout il aime ses fans. Dans une démarche généreuse et sincère, Tarantino leur offre un spectacle détonant dans lequel, sous la virtuosité formelle, il fait partager ses influences. Aux antipodes des cinémas rigoureux d’Haneke et de Dumont qui récemment nous ont offert des œuvres difficiles qui demandaient beaucoup au spectateur sans rien lui donner en retour, Kill Bill effectue précisément le chemin inverse : il demande peu et donne beaucoup. Beaucoup trop d’ailleurs si le film avait été étendu sur plus de deux heures. Fractionné au bon moment au bon endroit, le film s’achève sur une multitude d’enjeux dramatiques et une pirouette inattendue qui donnent envie d’en savoir davantage et d’attendre la suite avec encore plus d’impatience.

Certes, dans Kill Bill, il n’y a pas les soliloques désopilants de Samuel L. Jackson qui vantent les vertus d’un bon hamburger (Pulp Fiction) ni de discussions enfiévrées sur les meilleurs singles de Madonna (Reservoir Dogs). L’action et la mise en scène s’expriment au détriment des dialogues, même si ces derniers possèdent toujours une incroyable vitalité et un potentiel comique assuré. L’intérêt est simplement passé ailleurs : dans la forme notamment, qui affine les tics surexcités et les figures de style un peu figés du cinéaste qui commençaient à souffrir d’une légère redondance dans Jackie Brown.

  Kill Bill (c) D.R.
Le mélange des genres (kung-fu, thriller, film de samouraï) est diablement excitant. A la base, il consiste à confronter les époques, les genres et les influences qui ont nourri la cinéphilie du réalisateur. Après la Blaxploitation auquel il rendait hommage dans Jackie Brown, le cinéma asiatique est au centre de ses obsessions. Cela ne date d’hier : plus jeune, Tarantino raffolait des séries avec David Carradine (qui joue Bill dans le film) et idolâtrait le cinéma des frères Shaw et de feu - Fukasaku. Par exemple, ce n’était pas un hasard si Reservoir Dogs, son premier long métrage, cachait un superbe remake stylisé du City on Fire de Ringo Lam.

Parallèlement, Tarantino s’amuse comme un fou avec des mouvements de caméra hallucinants, un sens du détail incroyable, une photo qui alterne noir et blanc et couleur et un scénario alinéaire. Tous ses éléments sont réunis lors d’une même scène, celle du restaurant, qui restera assurément dans toutes les mémoires pour son intensité et son indiscutable perfection formelle. Elle dure trente minutes et propose des combats pimentés d’excès sanglants et d’un humour acide hilarant à faire rougir le Braindead de Peter Jackson et Une Nuit en enfer de Robert Rodriguez. En fin de compte, cette longue séquence est si réussie qu’elle fonctionne à double tranchant : tout ce qui vient par la suite devient immédiatement fade même si cela reste de facture très acceptable. La seule et unique faiblesse du film s’avère la dernière scène de baston entre Uma Thurman et Lucy Liu qui, à défaut d’être parfaite, a la malchance de n’être qu’excellente.