POINT DE VUE
Inspiré par le Manga de Kazuo Koike
et Goseki Kojima Lone Wolf & Cub , la
série de six long-métrages Baby Cart suit les aventures
de Itto Ogami et de son fils, depuis son éviction du Shôgunat
(Le Sabre de la Vengeance) jusqu’à son combat avec
le seigneur de guerre Retsudo Yagyu (Le Paradis Blanc de
l’Enfer).
Ces personnages du « Loup Solitaire à l’Enfant »
sont très populaires au Japon, à la manière de Zaitochi auquel
Kenji Misumi consacrait un film en 1962, ou des quarante-sept
ronins. Au début des années 1970, la Toho, menacée par la
vitalité de plus petites compagnies, proposait à Misumi de
transposer les aventures de Itto Ogami pour le grand écran
avec l’aide du scénariste du manga original. Misumi, déjà
connu pour son film Tuer ! (Kiru, 1962),
acceptait dans l’espoir de renouveler la production nationale,
souvent des films policiers ou semi-érotiques, et de tirer
profit de la popularité des personnages.
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Loin du film de sabre classique, la
série des Baby Cart est une réussite parce qu’elle
compose avec les règles du chambara qui obéit à des codes
sévères depuis l’époque du muet. Aussi Itto Ogami n’est
pas un héros. A la différence du Yojimbo / Toshiro
Mifune de Kurosawa qui, selon Marc Douchet, symbolisait
le « triomphe moral et éthique », la philosophie
à laquelle il se réfère est pour le moins équivoque ;
capable de protéger son fils avec tendresse ou de défendre
les plus faibles, le « ronin » est également capable
de transgresser les codes moraux de son époque et de tuer
avec une sauvagerie rare. Le Japon de la période Edo est
en effet cruel, et la sophistication des vêtements, la précision
des corps athlétiques, gracieux, la communion, captée par
la caméra, de l’Homme et de la nature, ne peuvent dissimuler
un monde au bord du chaos. Chaque homme, poussé par le désespoir,
la haine, ou bien encore l’appât du gain, peut se révéler
un redoutable adversaire. Le « loup solitaire »,
poussant lentement un landau aux cloisons renforcées de
métal et dissimulant un impressionnant arsenal, ce samouraï
qu’on imagine invincible, correspond bien à cet univers
mauvais. Pourtant sa violence, à la différence de ses ennemis,
est tout entière soumise à sa volonté d’homme libre, ce
qui fait de lui un personnage hors du commun.